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Djibouti et l’espace Indopacifique
 

Le Forum ministériel pour la coopération dans l’Indopacifique réunissant les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Union européenne et ceux de l’espace Indopacifique s’est tenu en France le 22 février dernier. La République de Djibouti était représentée à ce Forum par son ministre des Affaires étrangères. Il s’agissait de renforcer le partenariat entre les Européens et plus d’une trentaine de pays situés en majorité sur les côtes des continents asiatique, africain et américain, donnant sur l’océan Indien ou l’océan Pacifique. Ce partenariat touche des domaines variés tels que la sécurité et la défense, la connectivité, le numérique, la préservation de la biodiversité et la protection des océans ou la santé.

L’Indopacifique est un terme qui trouve ses racines dans le domaine maritime, une confluence d’intérêts sécuritaires, économiques et géopolitiques liés à une circulation libre et ouverte entre les océans Pacifique et Indien. « L’Indopacifique est un vaste espace comprenant deux océans, l’océan Indien et l’océan Pacifique, et les espaces terrestres formant leur arrière-pays, de l’Asie-Pacifique jusqu’au Moyen-Orient et aux côtes africaines et américaines » [1]. C’est en 2007, devant le parlement indien, que l’ex-Premier ministre du Japon, Shinzo Abe, initie la stratégie d’un « espace Indopacifique libre et ouvert » basé sur le libre-échange, la liberté de navigation et l’état de droit afin de garantir la prospérité et la stabilité régionale. Au départ, le projet réunissait seulement quatre pays pour « créer un arc des démocraties qui freinerait les ambitions régionales et mondiales de la Chine, par l’ouest (Inde), le sud (Australie, États-Unis) et l’est (le Japon) » [2] avant de s’étendre pour regrouper maintenant près d’une trentaine de partenaires.
Toutefois, les approches géographiques, économiques ou politiques des pays de l’espace dit Indopacifique diffèrent selon qu’ils perçoivent la Chine comme une puissance rivale ou comme un partenaire. Pour sa part, la Chine rejette « l’existence géographique et idéologique d’un tel espace, qu’elle perçoit comme une stratégie de “containment” à son égard » [3].

Bien que certaines acceptations de cet espace n’y incluent pas Djibouti, le pays se trouve concerné triplement. Djibouti est stratégiquement situé sur le détroit de Bab-el-Mandeb, porte sud de la mer Rouge débouchant sur l’océan Indien. Sa position géographique privilégiée constitue la principale source de richesse du pays à travers l’exploitation de ses ports. Les activités portuaires représentent la colonne vertébrale de son économie et le pays prête une attention particulière à la situation sécuritaire de l’océan Indien. Par ailleurs, Djibouti accueille sur son territoire des bases militaires française, américaine, japonaise et italienne et des forces navales européennes pour justement lutter contre le terrorisme et la piraterie. De plus, Djibouti, abrite depuis 2017 une base militaire chinoise et est devenu un point névralgique dans la stratégie chinoise dite des Routes de la soie.
La Chine a gagné en influence à Djibouti durant la dernière décennie, devenant l’un de ses principaux partenaires, participant notamment au développement de ses infrastructures économiques. Les rivalités géopolitiques entre, d’une part la Chine, et d’autre part, les États-Unis, le Japon et les pays occidentaux, sont une réalité concrète à Djibouti. Et de ce fait, « Djibouti has emerged as a lens through which the international politics of the Indo-Pacific can be observed and analyzed. In that respect, Djibouti is the organizing principle of the Indo-Pacific and is likely to assume increasing strategic importance as rivalries sharpen” [4].

Djibouti entretient des bonnes relations avec la Chine, avec le Japon et avec les Occidentaux. Le pays n’a pas à choisir un camp et gagnerait à travailler avec tout le monde pour préserver ses intérêts, tirer le meilleur parti de sa position afin de concrétiser son ambition de devenir le hub commercial, logistique et numérique de la corne de l’Afrique. Djibouti doit prouver que participer pleinement au Forum de l’espace Indopacifique n’est pas incompatible avec le développement d’un partenariat stratégique avec la Chine.

Zohra Mohamed Omar, chercheure au CERD


[2Tanguy Struye de Swielande, « La Chine à la conquête de l’Indo-Pacifique ? » Areion24news, 13 février 2020.

[3Idem.

[4Sankalp Gurjar, “Djibouti : The Organizing Principle of the Indo-Pacific », Journal of Indo-Pacific Affairs, 2021.

 
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