Résolution P9_TA(2021)0421 du Parlement européen, en ligne.
7 octobre 2021.
Le Parlement européen,
– vu sa résolution du 26 novembre 2020 sur la situation en Éthiopie [1],
– vu la déclaration conjointe du 25 juin 2021 de Josep Borrell, vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), et de Janez Lenarčič, commissaire chargé de la gestion des crises, concernant l’assassinat de trois travailleurs humanitaires au Tigré,
– vu la déclaration commune du 24 juin 2021 du VP/HR et du commissaire Lenarčič sur la frappe aérienne dans la région du Tigré ;
– vu la déclaration du 4 octobre 2021 du VP/HR, au nom de l’Union européenne, sur la décision d’expulser sept fonctionnaire des Nations unies,
– vu la déclaration commune du 10 juin 2021 faite par l’Union européenne et les États-Unis à l’issue de la table ronde sur l’urgence humanitaire au Tigré,
– vu les conclusions du Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne du 12 juillet 2021 sur l’Éthiopie,
– vu la résolution 47/13 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du
13 juillet 2021 intitulée « Situation des droits de l’homme dans la région du Tigré en Éthiopie »,
– vu la résolution 2417 du Conseil de sécurité des Nations unies du 24 mai 2018 condamnant l’utilisation de la famine comme méthode de guerre et les refus illicites d’accès humanitaire aux civils en période de conflit armé,
– vu les observations formulées le 26 août 2021 par António Guterres, secrétaire général des Nations unies, à l’occasion de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur l’Éthiopie,
– vu la déclaration du 13 septembre 2021 de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme,
– vu la déclaration du 17 septembre 2021 du président américain, Joe Biden, au sujet du décret présidentiel relatif à la crise en Éthiopie,
– vu la déclaration du 30 septembre 2021 du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, sur l’expulsion du territoire éthiopien de sept fonctionnaires des Nations unies,
– vu la constitution de la République démocratique fédérale d’Éthiopie adoptée le 8 décembre 1994, et notamment les dispositions du chapitre III sur les libertés et droits fondamentaux, les droits de l’homme et les droits démocratiques,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme,
– vu la charte africaine des droits de l’homme et des peuples,
– vu le pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques,
– vu la convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et ses protocoles additionnels de 1977 et de 2005,
– vu la convention des Nations unies de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967,
– vu la résolution 2286 du Conseil de sécurité des Nations unies du 3 mai 2016 sur la protection des blessés et des malades, du personnel médical et des agents humanitaires en période de conflit armé,
– vu la résolution 47/13 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 13 juillet 2021 sur la situation des droits de l’homme dans la région du Tigré en Éthiopie,
– vu la résolution du 12 mai 2021 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur la mission d’enquête dans la région du Tigré de la République démocratique fédérale d’Éthiopie,
– vu la deuxième révision de l’accord de Cotonou,
– vu la résolution du 11 mars 2021 de l’Assemblée parlementaire paritaire du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et de l’UE sur la démocratie et le respect des constitutions dans l’Union et les pays ACP,
– vu le rapport d’Amnesty International du 10 août 2021 intitulé « “I Don’t Know If They Realized I Was A Person” : Rape and Other Sexual Violence in the Conflict in Tigray » (« Je ne sais pas s’ils se sont rendu compte que j’étais une personne » : viols et autres violences sexuelles dans le contexte du conflit du Tigré, en Éthiopie), – vu l’article 132, paragraphes 2 et 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que le cessez-le-feu unilatéral proclamé par le gouvernement éthiopien le 28 juin 2021 n’a pas mis fin aux combats et que les parties au conflit ont lancé de nouvelles offensives ; que le conflit s’étend désormais aux régions voisines d’Afar et d’Amhara et que ses effets risquent de s’étendre à toute la Corne de l’Afrique ; considérant que ce conflit, qui dure depuis onze mois, a créé une crise d’origine humaine et que cette souffrance humaine généralisée aurait pu être totalement évitée ;
B. considérant qu’avant même le début des combats, 15,2 millions de personnes avaient besoin d’une assistance humanitaire en Éthiopie, dont 2 millions dans la région du Tigré ; considérant que près d’un million de personnes vivent dans des conditions proches de la famine et que 5,2 millions des 6 millions d’habitants du Tigré sont confrontées à une grave insécurité alimentaire, conséquence directe des violences ; que 91 % de la population a un besoin urgent d’aide humanitaire et que 100 000 enfants risquent de souffrir de malnutrition aiguë sévère et mortelle au cours des 12 prochains mois ; qu’en juin 2021, les Nations unies avaient déjà alerté sur le fait que 5,5 millions de personnes avaient besoin d’une aide alimentaire au Tigré et dans ses régions voisines de l’Amhara et de l’Afar et que 350 000 de ces personnes étaient en proie à la famine ; considérant que la région du Tigré abrite 100 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et 96 000 réfugiés érythréens ; qu’elle compte plusieurs grands camps de réfugiés occupés à hauteur de 44 % par des enfants, selon les ONG ; qu’en juillet 2021, le conflit avait déplacé quelque 1,9 million de personnes au Tigré ;
C. considérant les signalements nombreux et sérieux de violations flagrantes présumées des droits humains, du droit humanitaire et du droit des réfugiés par toutes les parties au conflit ; que ces signalements se rapportent à des attaques contre des civils, des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, des disparitions forcées, des emprisonnements de masse, des pillages systématiques, ainsi que des destructions systématiques et délibérées de services de base, des réseaux d’eau, des cultures et des ressources ;
D. considérant que, malgré la volonté affichée du gouvernement éthiopien de sanctionner les responsables de violences sexuelles [2], les forces armées éthiopiennes et érythréennes et les forces armées régionales de l’Amhara continuent de se livrer fréquemment à des viols et à d’autres violences sexuelles sur des femmes et des filles, auxquelles ils font subir également des menaces de mort et des insultes à caractère ethnique ou qu’ils réduisent à l’état d’esclaves sexuelles ; que les forces et agents du gouvernement ont harcelé et menacé des organisations humanitaires et des prestataires nationaux de soins de santé qui viennent en aide aux victimes ayant survécu aux violences sexuelles ;
E. considérant que plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires ont été signalés depuis le début du conflit au Tigré, y compris des massacres qui se seraient déroulés la nuit du 9 novembre 2020 à Mai-Kadra, à Axum le 28 novembre 2020 et à Mahbere Dego en janvier 2021 ; qu’en août 2021, les autorités soudanaises ont signalé que les corps d’une cinquantaine de personnes avaient été trouvés dans le Tekezé, rivière limitrophe du Tigré occidental et du Soudan ; qu’il a été établi que plus de 250 massacres auraient été perpétrés au Tigré depuis le début de la guerre civile en novembre 2020 ; considérant que le Front de libération du peuple du Tigré aurait également commis des exécutions extrajudiciaires dans la région voisine du Tigré en août 2021, notamment à Chenna et à Kobo ;
F. considérant que, selon des sources crédibles, tant le Front de libération du peuple du Tigré que la force de défense nationale éthiopienne se sont rendus coupables d’atteintes aux droits de l’homme au Tigré ; que les forces érythréennes ont infiltré le Tigré et d’autres parties de l’Éthiopie et ont également commis des violations graves des droits de l’homme ; que la majorité des allégations concernent des violations imputables à la force de défense nationale éthiopienne et aux forces érythréennes ;
G. considérant que le 13 septembre 2021, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a évoqué des violations commises « par toutes les parties » ; que l’Union a toujours soutenu les travaux de la haute-commissaire Bachelet ;
H. considérant que le rapport définitif de l’enquête commune de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et de la commission éthiopienne des droits de l’homme sur des violations supposées des droits humains, du droit humanitaire et du droit des réfugiés par l’ensemble des parties au conflit au Tigré sera publié le 1er novembre 2021 ;
I. considérant que, outre le pillage et la destruction des cultures, des essaims de criquets pèlerins ont été observés au Tigré, au sud-ouest de Mekele ; que le conflit en cours et la situation humanitaire actuelle ont rendu les efforts de prévention et de vaccination contre le COVID-19 impossibles dans de nombreuses régions ;
J. considérant que seuls 10 % des biens humanitaires destinés à la région dévastée du Tigré ont pu entrer dans la région au cours du mois écoulé ; que 100 camions par jour sont nécessaires pour acheminer suffisamment d’aide humanitaire au Tigré ; que seuls 525 camions sont entrés au Tigré depuis le 12 juillet 2021, en raison de la fermeture des frontières et du contrôle des voies d’accès par les forces armées, de la destruction des infrastructures telles que les ponts, de l’insécurité pour les chauffeurs, du manque cruel de carburant et de liquidités pour retourner aux points d’approvisionnement et des longs délais pour localiser et décharger l’aide humanitaire ;
K. considérant que le fait de cibler les travailleurs humanitaires est considéré comme un crime de guerre et un crime contre l’humanité ; que trois membres de Médecins sans frontières ont été tués le 25 juin 2021 alors qu’ils venaient en aide à ceux qui en ont le plus besoin ; qu’au moins 23 travailleurs humanitaires ont été tués dans la région depuis novembre 2020 ; que les forces gouvernementales éthiopiennes ont empêché des ambulances d’intervenir après une frappe aérienne sur un marché à Togoga le
22 juin 2021 ; que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies a fait savoir que les forces gouvernementales érythréennes ont immobilisé et pris pour cible une équipe de vaccination dans le district d’Asgede le 17 juin 2021 ; que le pillage des installations sanitaires serait récurrent au Tigré ; que les forces et agents du gouvernement ont harcelé et menacé des organisations humanitaires et des prestataires nationaux de soins de santé qui viennent en aide aux victimes ayant survécu aux violences sexuelles ;
L. considérant que plus de deux millions de personnes ont dû fuir leurs foyers ; que près de
76 500 personnes auraient été déplacées dans l’Afar et environ 200 000 dans l’Amhara après l’arrivée des forces tigréennes dans ces régions ; que 55 000 réfugiés et demandeurs d’asile éthiopiens chercheraient l’asile au Soudan ;
M. considérant que des camps de réfugiés ont été détruits au Tigré ; que les réfugiés érythréens qui vivent au Tigré sont menacés d’enlèvement et de renvoi forcé ; que les soins de santé sont inexistants et que l’eau potable vient à manquer dans les camps de réfugiés du Tigré ;
N. considérant que les parties belligérantes, y compris les forces armées tigréennes, recruteraient des enfants dans le conflit ; que l’utilisation d’enfants soldats constitue un crime de guerre ;
O. considérant que les autorités éthiopiennes ont procédé à des arrestations arbitraires et à des disparitions forcées de Tigréens dans la capitale éthiopienne et qu’elles ont commis d’autres abus à leur encontre, tels que la fermeture d’entreprises appartenant à des Tigréens ; que l’incitation à la haine et à la discrimination et le durcissement des discours de haine contre le Tigré sont palpables dans toute l’Éthiopie, y compris au sein des responsables gouvernementaux ;
P. considérant que le 30 septembre 2021, le ministère éthiopien des affaires étrangères a déclaré persona non grata en Éthiopie sept membres du personnel des Nations unies (appartenant à l’Unicef, au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) et au Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies) ;
Q. considérant que le Tigré et ses régions voisines sont confrontés à des restrictions et des coupures intermittentes de l’internet et des télécommunications ; que des journalistes ont été pris pour cible et que les autorisations de plusieurs médias ont été suspendues, ce qui entrave les moyens de suivi de la situation sur le terrain ; que les services de base, notamment l’approvisionnement en électricité et les services bancaires, restent limités ;
R. considérant que l’instabilité actuelle en Éthiopie résulte d’une longue histoire de divisions et de tensions ethniques ;
S. considérant que l’unité de l’Éthiopie en tant qu’État multiethnique revêt une grande importance pour la stabilité de la région et du continent africain dans son ensemble ;
T. considérant que, forte de sa population de plus de 110 millions d’habitants et de sa proximité stratégique avec la Corne de l’Afrique, l’Éthiopie est un pays clé du continent africain et un partenaire potentiel d’importance stratégique pour l’Union européenne et ses États membres ; U. considérant qu’en tant que premier donateur humanitaire au monde, l’Union reste solidaire des personnes dans le besoin grâce à son financement de l’action humanitaire ; que, dès le début du conflit en Éthiopie, l’Union européenne a continué de plaider sans relâche en faveur d’un accès humanitaire total et sans entraves, en conformité avec le droit humanitaire international ; V. considérant que la communication récemment adoptée sur l’action humanitaire de l’Union prévoit de renforcer les processus qui placent systématiquement la promotion et l’application du droit international humanitaire au cœur de son action extérieure ;
W. considérant que l’instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale « L’Europe dans le monde » considère le développement humain, la gouvernance et la consolidation de la paix en Éthiopie comme des domaines d’action prioritaires, auxquels sont consacrés 65 % du programme indicatif pluriannuel ;
X. considérant que la Commission a prévu des actions humanitaires à hauteur de 5 millions d’EUR dans les régions de l’Amhara et de l’Afar en réaction à l’évolution récente de la crise, qui s’inscrivent dans le total des financements à visée humanitaire qu’elle a déjà mobilisés et affectés en 2021, pour un montant de 53,7 millions d’EUR, en soutien aux personnes dans le besoin en Éthiopie ; que 118 millions d’euros ont été mobilisés pour venir en aide aux réfugiés du Tigré et d’Éthiopie au Soudan ; qu’en raison du conflit en cours, l’Union européenne a reporté le versement de l’appui budgétaire à l’Éthiopie ;
Y. considérant qu’en septembre 2021, l’Union a tenté d’organiser un pont aérien humanitaire par l’intermédiaire de la direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes (DG ECHO) de la Commission afin de fournir à la région du Tigré les biens humanitaires dont celle-ci avait un besoin urgent, mais que le gouvernement éthiopien a considérablement entravé son action ; qu’en conséquence, seul un vol humanitaire a pu être effectué par l’Union et qu’une petite partie seulement de sa cargaison humanitaire a été livrée ;
Z. considérant que, le 21 juin 2021, l’Union européenne a nommé une nouvelle représentante spéciale de l’Union européenne pour la Corne de l’Afrique en la personne d’Annette Weber ; considérant que sur mandat du VP/HR, Pekka Haavisto, ministre finlandais des affaires étrangères, s’est rendu par deux fois dans la région cette année pour discuter de la crise actuelle en Éthiopie et de ses conséquences régionales ;
AA. considérant que le 26 août 2021, l’Union africaine a désigné Olusegun Obasanjo, l’ancien président nigérian, comme médiateur du conflit ; AB. considérant qu’en décembre 2018, le nouveau gouvernement éthiopien a mis en place la commission de réconciliation éthiopienne et le ministère de la paix ; qu’à ce jour, dans le contexte difficile qui a suivi leur création, ces deux institutions ont échoué à mener à bien leur mission initiale, qui consistait à encourager la paix et à prévenir et résoudre les conflits armés en Éthiopie ;
AC. considérant qu’au cours du conflit en cours, le parti éthiopien de la prospérité dirigé par Abiy Ahmed s’est autoproclamé vainqueur d’une élection générale boycottée par des partis d’opposition, qui en ont dénoncé les résultats ; qu’aucun processus électoral n’a eu lieu au Tigré ; que l’Union n’avait pas envoyé de mission d’observation électorale.
AD. considérant que l’Éthiopie a signé l’accord de Cotonou, dont l’article 96 prévoit que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales constitue un élément essentiel de la coopération ACP-UE ;
1. demande la cessation immédiate des hostilités par toutes les parties, préalable nécessaire à l’amélioration indispensable de la situation humanitaire au Tigré et dans d’autres régions, notamment les régions d’Afar et d’Amhara ; plaide pour un retour immédiat à l’ordre constitutionnel et la mise en place d’un mécanisme de contrôle du cessez-le-feu ;
2. demande que tous les acteurs nationaux, régionaux et locaux concernés veillent à ce que l’aide humanitaire parvienne immédiatement et sans entrave aux populations touchées du Tigré, en mettant ainsi fin au blocus de fait de la région pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et des biens essentiels, notamment des vivres, des médicaments et du carburant, dans les régions d’Amhara et d’Afar ;
3. condamne fermement le ciblage délibéré de civils par toutes les parties belligérantes et le recrutement allégué d’enfants par celles-ci, y compris les forces tigréennes, ainsi que le recours persistant au viol et à d’autres formes de violences sexuelles ; rappelle que les attaques délibérées contre des civils ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats constituent des crimes de guerre ;
4. condamne les meurtres de civils, de réfugiés, de travailleurs humanitaires et personnel médical ; demande à toutes les forces en présence de respecter les droits de l’homme internationaux, le droit international humanitaire et le droit des réfugiés, et d’assurer la protection des populations dans les zones touchées ; demande que les responsables de crimes commis pendant le conflit en cours soient retrouvés et traduits en justice ; demande que les personnes suspectées d’avoir commis des viols ou d’avoir pratiqué la réduction en esclavage sexuel soient mises en examen pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour faits de viol, d’esclavage sexuel, de torture et de persécution ;
5. demande instamment au Front de libération du peuple du Tigré de mettre fin à son offensive et de retirer immédiatement ses forces des régions d’Amhara et d’Afar ; demande aux autorités régionales d’Amhara de retirer leurs forces du Tigré occidental, et au gouvernement érythréen de retirer immédiatement et durablement ses troupes du territoire éthiopien ; demande aux pays voisins de s’abstenir de toute intervention politique ou militaire de nature à alimenter le conflit ;
6. demande la création d’une commission d’enquête indépendante et impartiale chargée d’enquêter sur les attaques contre certains groupes ethniques et religieux destinées à attiser les violences entre communautés et à mettre en péril la paix et la sécurité des Éthiopiens ; demande au gouvernement éthiopien de veiller à ce que les responsables de ces actes aient à en répondre ;
7. rappelle que le gouvernement éthiopien est responsable de la sûreté et de la sécurité des réfugiés et des personnes déplacées sur son territoire ; invite les autorités éthiopiennes à assurer une protection et une assistance immédiates et adéquates aux milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile érythréens déplacés des camps du Tigré, et de déterminer ce qu’il est advenu des milliers de réfugiés érythréens disparus et où ils se trouvent ; déplore la rhétorique haineuse et incendiaire employée par de hauts responsables des pouvoirs publics et prie instamment tous les acteurs concernés de choisir leurs propos avec soin afin d’éviter une nouvelle escalade et des souffrances humaines supplémentaires ; demande que les frontières nationales et régionales restent ouvertes afin de garantir la circulation libre et sûre des civils ; rappelle que l’Éthiopie est un important pays d’origine, de transit et de destination de migrants ; enjoint au gouvernement fédéral éthiopien et aux autorités régionales de protéger la population et de garantir ses droits fondamentaux ;
8. demande aux autorités éthiopiennes de rendre compte immédiatement des disparitions forcées de tous les civils, de libérer les personnes détenues sans preuve crédible d’un crime et de cesser tout traitement discriminatoire ; déplore que des personnalités publiques recourent à des discours de haine susceptibles d’alimenter la violence, l’intimidation et la discrimination contre les communautés tigréennes, entre autres, et, partant, de nourrir la défiance et les conflits ethniques ; presse les autorités nationales, régionales et locales d’engager un dialogue plus ouvert et de s’abstenir de toute incitation à la violence ;
9. encourage les autorités à créer un organe de justice réparatrice assimilé à un tribunal, qui serait chargé d’enquêter sur les violations des droits de l’homme qui ont eu lieu pendant le conflit, y compris les circonstances, les facteurs et le contexte des violations, afin de donner aux victimes la possibilité de témoigner et de permettre une consignation historique impartiale du passé, et demande que cet organe conçoive une politique de réparations, assortie de recommandations pour des mesures destinées à prévenir la commission de nouvelles violations des droits de l’homme ;
10. condamne fermement toutes les attaques perpétrées contre les travailleurs humanitaires et les infrastructures critiques, telles que les hôpitaux et les installations médicales, ainsi que le pillage et la destruction systématiques de l’aide humanitaire ; condamne fermement le blocage des ambulances qui tentent d’apporter une assistance médicale aux blessés après les bombardements ;
11. regrette que le ministère éthiopien des affaires étrangères ait déclaré personae non gratae en Éthiopie sept défenseurs des droits de l’homme et travailleurs humanitaires des Nations unies relevant de l’Unicef, du HCDH, de l’UNOCHA et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires ; se déclare préoccupé par la sécurité et le bien- être des travailleurs humanitaires et des défenseurs des droits de l’homme indépendants dans la région ainsi que par la neutralité de la distribution de l’aide humanitaire au Tigré ; se félicite de la déclaration forte prononcée le 30 septembre 2021 par l’Union et ses 27 États membres pour condamner fermement l’expulsion de ces travailleurs, et enjoint au gouvernement de revenir sur sa décision ;
12. invite le gouvernement éthiopien à signer et à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ; demande à toutes les parties au conflit de garantir un accès sans entrave aux observateurs et aux enquêteurs indépendants en matière de droits de l’homme, notamment aux enquêteurs de l’ONU et de l’Union africaine ;
13. souligne l’importance du travail des journalistes dans la région et invite tous les acteurs à garantir le libre accès à la presse et à permettre aux journalistes d’accomplir leur travail en toute sécurité ;
14. demande le rétablissement complet des services publics de base tels que l’électricité et les services bancaires, ainsi que la levée des restrictions en matière de communications et d’accès à l’internet au Tigré ; souligne qu’il importe de garantir l’éducation et la scolarisation des enfants du Tigré et des autres régions touchées ;
15. rappelle l’importance de l’Éthiopie pour la stabilité de la Corne de l’Afrique et du continent dans son ensemble ; rappelle que l’Union et d’autres interlocuteurs internationaux ont proposé de servir de médiateurs entre les parties au conflit en Éthiopie, mais que cette dernière a rejeté ces offres ; appelle toutes les parties belligérantes à s’asseoir à la table des négociations sans conditions préalables ; plaide pour un dialogue politique national sans exclusive mené par l’Éthiopie afin de trouver une solution à la crise, avec la participation de représentants de toutes les régions touchées (Tigré, Amhara, Benishangul-Gumuz, Afar, Oromia, Sidama, Somali, région des nations, nationalités et peuples du Sud et Gambella) ;
16. rappelle que la situation ne peut être résolue que par des moyens pacifiques et par un dialogue sans exclusive entre toutes les parties au conflit, un cessez-le-feu effectif et la protection des droits de l’homme ;
17. réaffirme que l’Union est disposée à soutenir, à engager et à organiser un dialogue en étroite coordination avec d’autres acteurs, afin de maintenir un espace de dialogue ouvert et de tenter de jeter les bases d’une discussion entre les deux principales parties belligérantes ;
18. exprime son soutien aux efforts de médiation régionaux tels que ceux du médiateur de l’Union africaine, M. Obasanjo ; salue par ailleurs la nomination d’Annette Weber en tant que nouvelle représentante spéciale de l’Union européenne pour la Corne de l’Afrique ;
19. regrette que le Conseil de sécurité de l’ONU ne se soit pas préoccupé de la situation au Tigré jusqu’ici ; invite instamment l’Union et ses États membres à insister auprès du Conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il tienne régulièrement des réunions publiques sur le Tigré et qu’il prenne des mesures décisives pour garantir un accès humanitaire sans entraves, assurer la protection des civils, mettre un terme aux graves violations du droit international et veiller à ce que les responsables des atrocités commises aient à répondre de leurs actes ; invite le Conseil de sécurité des Nations unies à envisager de déployer des forces de maintien de la paix des Nations unies dans la région ;
20. demande instamment aux États membres de l’Union européenne d’encourager le VP/HR à organiser une réunion d’information intersession du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur le Tigré avant la fin de l’année pour présenter les conclusions du rapport de l’enquête conjointe du HCDC et de la commission éthiopienne des droits de l’homme ; souligne que cette enquête conjointe devrait contribuer à jeter les fondements d’un mécanisme d’enquête international solide, à la mise en place duquel le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devrait s’atteler d’urgence ;
21. demande au Conseil des affaires étrangères d’adopter rapidement, de manière unie et résolue, les mesures qui s’imposent pour faire face à la gravité et à l’urgence de la situation sur le terrain au Tigré ;
22. salue et soutient la décision prise par la Commission en décembre 2020 de reporter les versements au titre de l’aide budgétaire au gouvernement éthiopien ; salue les efforts diplomatiques et les déclarations répétées du VP/HR et de la Commission pour exiger une justification de l’action menée ainsi qu’un accès humanitaire sans entrave, et condamner les violations commises par toutes les parties impliquées ; réaffirme avec force le soutien de l’Union à l’important travail accompli par Michelle Bachelet en tant que haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ;
23. invite l’Union et ses États membres à envisager l’adoption de mesures pour la protection des droits de l’homme et à garantir que les responsables de violations des droits de l’homme aient à répondre de leurs actes, au moyen du mécanisme international de l’Union permettant de sanctionner les violations des droits de l’homme, par exemple ;
24. souligne que l’Union européenne se tient aux côtés de la population éthiopienne ; souligne sa volonté de trouver une solution pacifique au conflit ; suggère toutefois que la Commission inflige des sanctions aux membres du gouvernement éthiopien, du gouvernement érythréen, du Front populaire de libération du Tigré et aux autres personnes responsables de la prolongation du conflit et de l’aggravation de la situation humanitaire de millions d’Éthiopiens, si la situation humanitaire ne s’est pas sensiblement améliorée à la fin du mois d’octobre 2021, notamment après la formation d’un nouveau gouvernement éthiopien ;
25. appelle les États membres à cesser toute exportation vers l’Éthiopie d’armes et de technologies de surveillance, qui sont utilisées pour faciliter les attaques contre des civils et pour commettre des violations des droits de l’homme ;
26. se félicite du décret présidentiel américain du 17 septembre 2021 sur la crise éthiopienne, qui vise tous ceux qui, directement ou indirectement, font perdurer le conflit en Éthiopie, entravent l’accès humanitaire, empêchent un cessez-le-feu et violent les droits de l’homme ; déplore toutefois que les États-Unis aient poursuivi leur appui budgétaire et que, partant, les mesures américaines aient été moins efficaces et résolues que celles de l’Union ;
27. se félicite vivement de l’aide vitale apportée par la Commission dans la région et est favorable à son renforcement ; plaide pour la mobilisation de financements supplémentaires à concurrence d’au moins 30 millions d’euros pris sur la réserve de solidarité et d’aide d’urgence de l’Union européenne afin de répondre aux besoins les plus criants des personnes victimes du conflit au Tigré et dans les autres zones directement touchées par la propagation de ce conflit du nord de l’Éthiopie, avec une attention particulière pour les régions limitrophes d’Afar et d’Amhara ;
28. demande instamment à l’Union et aux dirigeants de ses États membres d’aborder en priorité la question des droits de l’homme et la situation humanitaire au Tigré et dans le nord de l’Éthiopie lors du prochain sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne et de la réunion de leurs dirigeants, mais aussi de définir des actions concrètes et de promouvoir une meilleure coordination de la stratégie et de la communication ;
29. charge son Président de transmettre la présente résolution au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et parlements des États membres, au service européen pour l’action extérieure, au gouvernement fédéral et à la Chambre de la fédération d’Éthiopie, aux autorités tigréennes, au gouvernement de la République du Soudan, au gouvernement de l’État d’Érythrée, aux gouvernements de l’Autorité intergouvernementale pour le développement, à l’Union africaine et à ses États membres, au Parlement panafricain et à l’Assemblée parlementaire paritaire ACP‑UE.