Communiqué des Nations unies en ligne [1].
6 octobre 2021.
Au Conseil de sécurité, le secrétaire général persiste et signe : l’Éthiopie a violé le droit international en expulsant des fonctionnaires de l’ONU
Pour nous la question est très simple : l’Éthiopie n’a pas le droit d’expulser des membres du personnel de l’ONU et en le faisant, elle viole le droit international, a martelé aujourd’hui le secrétaire général lors de la réunion que le Conseil de sécurité a tenue, à la demande de plusieurs États, après l’expulsion, le 3 septembre dernier, de sept fonctionnaires de l’ONU dont les responsables en Éthiopie du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
António Guterres a attiré l’attention sur la note verbale du Bureau des affaires juridiques, datée du 1er octobre, qui qualifie le comportement du gouvernement éthiopien, « un affront » à l’ONU et à tous ses États membres, selon les États-Unis, de « non conforme » à la norme internationale. Il existe en effet une procédure officielle qui, dans ce cas précis, n’a pas été suivie, a souligné le secrétaire général qui a exhorté les autorités éthiopiennes à laisser les organisations onusiennes travailler sans entrave. Cet appel a été relayé par plusieurs membres du Conseil de sécurité.
Lorsqu’un État accepte l’aide humanitaire, il ne doit pas la soumettre à des décisions discrétionnaires, a tancé le Mexique, car ce qui est en jeu, c’est la protection de la population civile. Il a rappelé l’arrêt du 27 juin 1986 de la Cour internationale de Justice (CIJ), dans l’affaire « Nicaragua c. États-Unis d’Amérique », selon lequel l’acheminement de l’aide humanitaire ne peut être considéré comme une intervention étrangère ou comme contraire au droit international, tant qu’il respecte les principes d’une aide non discriminatoire. Notre soutien, a prévenu la France, implique que les personnels onusiens et humanitaires puissent travailler en toute sécurité et dans le plein respect des principes humanitaires et du droit international humanitaire. Nous ne tolérerons ni intimidation, ni violence contre le personnel humanitaire et médical, ni tentative de discréditer ces derniers, a-t-elle encore prévenu.
La Norvège a appelé à la fin des discours de haine qui mettent en danger la vie des acteurs humanitaires. Si nos appels continuent d’être ignorés, le Conseil de sécurité prendra la décision qui s’impose pour sauver des vies et promouvoir la paix et la sécurité internationales, ont averti les États-Unis. La question du personnel de l’ONU opérant en Éthiopie, a plaidé la Tunisie, doit être examinée de manière approfondie, sur la base de preuves tangibles et dans le cadre d’un dialogue « franc et authentique ». Discuter publiquement de ce type de questions n’est peut-être pas constructif dans les circonstances actuelles et n’allégera certainement pas les souffrances des populations touchées par le conflit dans le nord de l’Éthiopie, a-t-elle fait observer.
La résolution de ce « désaccord », a renchéri la Chine, exige une « diplomatie discrète » pour éviter l’impasse. Gardons-nous, a-t-elle ajouté, de saper la confiance et privilégions le dialogue et la coopération. Bien que nous ne connaissions pas les circonstances qui ont conduit aux récents développements, a déclaré l’Inde, nous sommes d’avis que les principes fondateurs de l’aide humanitaire, à savoir l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance, doivent toujours être respectés. L’aide humanitaire et ses agents doivent être attentifs, en particulier lorsque l’État hôte est confronté à une situation politico-militaire « complexe ». Les rhétoriques « délibérément enflammées » ne feront que compliquer la tâche de l’Union africaine, a estimé, à son tour, la Fédération de Russie, et les pressions du Conseil de sécurité ou la création d’une atmosphère toxique n’aideront en rien la situation.
L’Éthiopie a d’ailleurs avoué avoir du mal à cacher son étonnement, jugeant « incompréhensible » que le Conseil de sécurité discute de la décision d’un « État souverain », alors que ce n’est pas la première fois que des employés de l’ONU sont expulsés d’un pays. Soulignant qu’elle n’a « aucune obligation juridique » de fournir des explications, elle a tout de même accusé les sept fonctionnaires de s’être livrés à de l’activisme et de s’être mêlés à une conspiration du Front populaire de libération du Tigré (FPLT), en donnant notamment de fausses informations au Conseil de sécurité, pour « créer une situation comparable à celle du Darfour » et en tentant de faire passer la crise éthiopienne au niveau 3 pour déclencher les mesures contenues dans la résolution 2417 (2018). L’Éthiopie a attiré l’attention sur la lettre que son vice-ministre des affaires étrangères a adressée au secrétaire général, le 8 juillet 2021, pour expliquer la position de son gouvernement.
M. Guterres s’est dit surpris par cette information. Je n’ai connaissance d’aucun document de ce type, a dit le secrétaire général, en réclamant une copie. Il a en revanche précisé qu’à deux reprises, il a demandé en vain au Premier ministre éthiopien de le saisir de tout soupçon de partialité de la part d’un membre ou l’autre du personnel de l’ONU « pour que je puisse enquêter ». Pour nous la question est très simple, a martelé le secrétaire général : l’Éthiopie a violé le droit international. Nous sommes prêts, a-t-il affirmé, à coopérer avec le gouvernement éthiopien sur tous les cas où il a le sentiment qu’un membre du personnel de l’ONU n’agit pas en toute impartialité et en toute indépendance, comme le prescrivent le droit et les principes humanitaires. Nous n’avons, a-t-il insisté, qu’un seul agenda en Éthiopie et cet agenda, c’est le peuple éthiopien, qu’il soit Somali, du Tigré, d’Amhara ou d’Afar. Ce peuple souffre et nous n’avons d’autres intérêts que de contribuer à faire cesser ces souffrances.
António Guterres, a rappelé qu’au mois d’août dernier, il avait averti le Conseil de sécurité sur la situation humanitaire « catastrophique » en Éthiopie, laquelle s’est encore aggravée depuis lors. Environ sept millions de personnes au Tigré, en Amhara et Afar auraient à présent besoin d’une aide alimentaire et d’une autre forme d’assistance. Le secrétaire général a souligné que l’assistance est loin d’être au niveau nécessaire pour répondre aux besoins. Il a jugé important de concentrer tous les efforts sur l’humanitaire pour éviter « une tragédie à large échelle », dans une situation qui fait déjà penser à celle de la Somalie en 2011.
[1] Voir aussi
« Ethiopie : l’ONU exige des preuves « écrites » des prétendues fautes des responsables onusiens expulsés », Le Monde, 7 octobre 2021.