Human Village - information autrement
 
Menace de grève d’enseignants du Lycée français
par Mahdi A., mai 2020 (Human Village 39).
 

Le 12 mai, Arnaud Guillois, nouvel ambassadeur français, dans son adresse à la communauté française de Djibouti, aborde plusieurs sujets liés à la crise du Covid, notamment la levée progressive du confinement par le gouvernement djiboutien. Un passage de son intervention aurait dû retenir notre attention, mais faute d’avoir toutes les clés, l’information nous était passée sous le nez. Il a fallu attendre la parution du bulletin du Lycée français, LFD infos, le dimanche 17, pour comprendre a posteriori tout le sens des propos de l’ambassadeur.
Ce numéro s’ouvre avec cette information : « Préavis de grève des professeurs détachés ». Trois syndicats ont appelé à cette grève : le SNES-FSU, le SE-UNSA et le SNETAA-FO. Que revendiquent ces fonctionnaires envoyés par la France pour enseigner à Djibouti ? Ils demandent la garantie de pouvoir se rendre en France à la fin de l’année scolaire. Pour se faire entendre, ce ne sont pas les moyens qui manquent, la panoplie est très large : interruption de la formation à distance, rétention des notes… des méthodes éprouvées. Des inquiétudes pointent aussi sur le bon déroulement du bac de français pour 89 lycéens.
L’école Dolto et le lycée Kessel, homologués par le ministère français de l’Éducation nationale, accueillent plus de 1450 élèves, de la petite section à la terminale. 60% des élèves sont français, 36% sont Djiboutiens et les autres sont de trente nationalités différentes.

LFD infos n° 98, 17 mai 2020

Les enseignants en colère veulent que l’ambassadeur prenne des décisions énergiques pour débloquer une situation qui les inquiète. Il faut croire que l’intervention de ce dernier, le 12 mai, les a laissés sur leur faim, malgré l’entrain et la volonté manifeste de répondre au mieux de ses capacités à leurs doléances. Le dépôt d’un préavis de grève le 17 mai indique clairement que les enseignants considèrent n’avoir pas reçu toutes les assurances nécessaires. Ils lui demandent de revoir sa copie, qu’ils évaluent à « peut mieux faire ».

L’affaire fait tout de même désordre, surtout pour un ambassadeur qui vient à peine de prendre ses fonctions et qui aurait pu espérer comme baptême de feu, une crise d’un tout autre genre. Comment sortir de l’impasse ? L’ambassadeur a réagi et tendu la main aux enseignants, avec un discours de vérité, annonçant malgré sa bonne volonté que ses marges de manœuvre sont extrêmement réduites pour ne pas dire nulles. Pour autant il explique que toute son administration est mobilisée pour rechercher des solutions, initier des démarches pro active pour organiser un retour. Il a essayé de caresser dans le sens du poil le corps enseignant en flattant l’ego et l’abnégation de ses membres, en soulignant les efforts déployés pour continuer à assurer la continuité pédagogique en gardant le contact avec les élèves et leur famille.
« J’en viens au possible retour en France cet été. J’ai parfaitement conscience de la préoccupation qui est la vôtre et je veux vous tenir un langage de responsabilité et surtout de vérité. Celle-ci m’oblige à dire que les conditions actuelles ne sont pas réunies pour un retour à la normale imminent. Les modalités précises d’entrées et de quarantaine dans l’espace Schengen sont en cours de définition dans le cadre du déconfinement en cours en Europe. L’espace commercial aérien djiboutien est quant à lui désormais fermé jusqu’au 1er septembre. Cette question des retours, ponctuels ou définitifs, constitue pour moi un dossier prioritaire et j’ai donc décidé de constituer une task force spécifique au sein de l’ambassade de France sur ce sujet. Elle réunira sous mon autorité l’ensemble des services de l’ambassade, et notamment le consulat. Elle aura pour objectif d’entretenir un dialogue quotidien avec mes autorités à Paris, le gouvernement djiboutien et les compagnies aérienne, en vue d’identifier des solutions possibles. Dans ce contexte, je vous invite vivement à vous rapprocher du consulat de France et de nous faire part de votre condition personnelle ou familiale, que vous soyez en situation de vulnérabilité, ou de besoin de santé spécifique. Que vous soyez confronté à un changement professionnel cet été, ou que vous souhaitiez après une année éprouvante à tous égards, retrouver pendant quelques semaines, familles et amis en France. Ce recensement de votre situation contribuera à avancer, à trouver des solutions pour qu’un maximum d’entre vous puissiez en bénéficier. » [1]

Mais malheureusement, la flèche n’a pas atteint sa cible, les professeurs semblent insensibles aussi bien aux louanges, qu’aux propos qui se veulent rassurants. Ils demandent des éléments tangibles. Ils ont l’impression d’être les sacrifiés, les laissés pour compte, par opposition aux familles de militaires qui rentreront en France grâce aux moyens de l’armée. Ce qu’ils demandent en réalité, c’est de bénéficier eux aussi de ce régime spécial, ce qui explique la présence du COMFOR lors de la rencontre du 13 mai.
Notons qu’à l’instar des Djiboutiens, ces enseignants n’en peuvent plus de s’acquitter de factures d’électricité déraisonnables. Si pour eux ces dépenses apparaissent élevées, on vous laisse imaginer comment elles sont perçues par les salariés locaux !

On peut espérer que la pression des enseignants n’ira pas jusqu’à la mise à exécution de ces menaces. Cependant, la méthode peut inquiéter certains parents qui ne comprendraient pas pourquoi leurs enfants se retrouveraient victimes du Covid 19 et des frontières fermées.

Mahdi A.

Ajout du 27 mai
LFD infos du 26 mai apporte un « rectificatif concernant la réunion sur les retours en France » :
« Dans le numéro 98 de LFD infos, il était indiqué que le SE-UNSA avait participé à la réunion du mercredi 13 mai, avec S.E. M. l’Ambassadeur.
Ce syndicat tient à préciser qu’il n’avait pas souhaité participer à cette réunion. Cependant, une enseignante adhérente au SE UNSA, élue en cette qualité à la commission consultative paritaire locale de l’Agence, était présente mais à titre personnel. »


 
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