Human Village - information autrement
 
Une douce amie éthiopienne, fidèle et attentionnée
par Mahdi A., décembre 2010 (Human Village 14).
 

Malgré son aspect légèrement différent du décor de la London Stock Echange, Awaday Stock Echange n’a rien à envier aux bourses traditionnelles des pays occidentaux. Les enjeux y sont les mêmes. Ses échanges déterminent le prix du jour de son principal produit de commerce. Les tractations ne se passent pas dans une salle de bourse mais dans la rue, ou plus précisément dans un carré de cour d’immeubles.
Il suffit juste d’y déposer un bout de tissu ou de carton avant de s’y assoir pour pouvoir tenir vitrine et commencer les tractations. L’ambiance décalée, avec un nombre important de chèvres présents sur le site, ne doit pas faire oublier que nous sommes dans la capitale mondiale de cette plante si appréciée par nos concitoyens.
Il arrive régulièrement qu’il pleuve dans cette région réputée pour sa fraîcheur et son climat tempéré, d’où l’importance d’avoir aux pieds de bons souliers, la chaussée se transformant rapidement en marécage après un gros orage. Les sommes échangées sont pourtant colossales. Les stands improvisés sont tenus pour la plupart par des femmes aux robes et aux foulards aux couleurs chatoyantes, assises par terre devant leur ballot de feuilles à l’abri sous des linges. Ce sont elles qui dominent l’activité. Elles sont là de très bonne heure. Elles ne sont pas propriétaires des exploitations qui produisent le fameux sésame, elles en sont justes des intermédiaires, des relais redoutablement efficaces. Elles sont souvent d’origine somalienne. Elles achètent aux producteurs oromos qui se présentent à elles, tour à tour, et qui portent sur leurs dos le produit tant convoité.

Les jeux ne sont pas joués d’avance : Ils doivent suivre un rituel, un code précis... La discussion dure juste le temps qu’il faut pour toucher, soupeser, regarder jusqu’au coeur du bouquet en y plongeant des doigts experts en veillant à écarter avec une extrême dextérité les premières tiges. Pour les non initiés il est important de savoir qu’avant de procéder à l’achat, une règle non écrite veut que les plus belles feuilles, les plus gouteûses pour le palais soient toujours à l’extérieur, cerclant les autres tiges. Pourquoi me direz-vous ? Afin de cacher les moins reluisantes, les moins appétissantes... Il faut être vigilant donc. Comme toute chose il existe des qualités variables de cet plante que les connaisseurs avisés reconnaissent à un simple coup d’oeil, d’ailleurs les différences de prix dépendent de la qualité de la plante, de sa fraîcheur, de son origine, de sa couleur et enfin de la tendreté de sa feuille puisque plus elles sont tendres et juteuses, plus la mastication est facile et plus l’effet stimulant est fort.
Les agriculteurs oromos se rendent eux même pour vendre leur production au marché. Un peu à l’image d’un parcours de slalom de ski, ils se rendent de l’une à l’autre des femmes installées de manière éparpillée sur ce marché unique en son genre. L’échange ne dure que deux ou trois minutes, un laps de temps amplement suffisant pour faire affaires. Si les deux parties conviennent d’un prix, la transaction est réalisée sur le champ, rubis sur ongle. Il faut savoir qu’en règle générale c’est celui qui montre le moins d’intérêt pour l’échange commercial qui fait la meilleure affaire…
La récolte se fait tôt le matin même, le produit est donc très frais et comme il n’est possible de récolter les jeunes pousses que deux ou trois fois par semaine, il est important que l’exploitant oromo puisse liquider intégralement toute sa récolte avant que celle-ci ne se détériore puisqu’elle est très périssable et qu’au-delà de 24 heures, la plante perd de sa valeur
C’est ainsi que la vie va à Awaday, petite ville à 50 kilomètres de Dire Dawa. Toute la vie tourne autour de cette plante, que l’on soit cultivateurs, revendeurs, exportateurs, ou transporteurs.
C’est d’ailleurs depuis cette bourgade qu’elle est exportée vers de nombreuses capitales aussi bien Européennes, Américaines, qu’Asiatiques ou Africaines, dont Djibouti. « Toutes les villes desservies par Ethiopian Airlines sont systématiquement fournies », me confie un diplomate djiboutien qui a eu l’heureuse surprise d’en trouver dans sa ville d’affectation en Europe.
Il faut tout de même savoir que tous les pays ne le tolèrent pas sur leur territoire, peu de pays autorisent d’ailleurs sa vente. Ils le considèrent comme une drogue, et à ce titre cette plante est classée dans la catégorie des produits illicites et dangereux à la santé humaine. Pour l’OMS, c’est d’ailleurs une drogue causant une dépendance. Même si cet organisme onusien modère son propos puisqu’il reconnaît que la dépendance vis à vis de cet arbuste s’apparente à une habitude tout à fait réversible contrairement à celle due aux opiacés.
Bref, elle ne semble pas être un souci majeur de l’OMS en matière de stupéfiants. En Grande-Bretagne et au Pays-Bas, l’usage de cet plante n’est frappé d’aucune mesure d’interdiction, la facilité de son importation par avion permet d’ailleurs d’acheminer quotidiennement autour de cinq tonnes de cette substance répartis entre ces deux pays en provenance d’Ethiopie, du Kenya et du Yémen.
Il faut souligner qu’en Europe, son commerce est judicieusement contenu dans un marché de niche réservé à des initiés – yéménites, Ethiopiens, Kenyans, Somaliens, et Djiboutiens - réduisant d’autant le risque d’extension de son usage à des populations occidentales et le risque de le voir définitivement interdit par les autorités locales.
Dans les autres pays l’interdisant, comme par exemple la France, ou bien encore les Etats-Unis d’Amérique, il est assez aisé de pouvoir s’en procurer même si il n’est pas rare de lire dans la presse hexagonale des passeurs arrêtés pour trafic de plantes vertes.
De quelle plante s’agit t-il au fait ?
De sa majesté le Khat pardi !

La deuxième denrée d’exportation après le café de l’Ethiopie. C’est un arbuste qui est originaire de la Corne de l’Afrique et qui appartient à la famille des Célastracées.
Il est difficile de déterminer précisément depuis quand il serait produit et consommé traditionnellement par les populations locales des pays de la Corne et de la péninsule Arabique mais si on se fie aux chroniqueurs arabes du 14ème siècle, le khat a été cultivé de façon assez extensive dans les montagnes du Yemen et également à Harar en Ethiopie à cette époque. Il se peut qu’il ait été introduit au Yémen à partir de l’Ethiopie vers le 6ème siècle après J.C, environ 600 ans plus tôt que le café.
Les anciens Egyptiens déjà considéraient le khat comme une plante sacrée dont l’usage transformait les hommes en dieux. Une légende veut que Catha edulis aurait été découvert par une chèvre qui aurait manifesté des signes d’excitation après en avoir brouté… Cette histoire n’est pas sans nous rappeler quelques similitudes avec un autre conte aussi joliment décrit... Celui du café que nous contait dans notre dernier numéro notre chroniqueuse Mouna Frumence dans son article sur « Le café en Ethiopie, les jardins de l’espérance » !
Il faut savoir qu’il en existe plusieurs variétés et donc plusieurs qualités de khat. Les plus appréciées et les plus courues sont originaires des régions aux hautes collines de l’Ethiopie et plus précisément des terres aux alentours de la capitale historique et millénaire d’Awaday.

Pour les fins connaisseurs - pour ne pas dire les gourmets - le « Awaday » est la crème des crèmes, si l’on voulait être plus précis on dirait qu’il est pour le khat ce que représente pour la Russie le caviar. Nous nous sommes donc rendus sur ce haut lieu de la culture et du négoce international du khat pour mieux comprendre, mieux humer ce produit de consommation de masse qui est présent dans la vie quotidienne de nos concitoyens, et dont les implications qu’elles soient sanitaires, sociales et économiques, sont méconnues. Combien de personnes ce commerce emploie t-il à Djibouti, quelle part représente-t-il dans notre PIB, à quelle hauteur ce commerce contribue-t-il aux recettes fiscales de l’Etat, de quelle manière sa consommation impacte-t-elle les foyers Djiboutiens, quelles sont les incidences d’une consommation quotidienne sur la santé de nos concitoyens, ces incidences sur le coût de notre santé publique, a-telle une influence sur le taux de prévalence du sida en République de Djibouti, les taux extrêmement élevés de pesticides utilisés pour sa production peuvent-ils nuire à notre santé, y a-t-il une relation de cause à effet entre la consommation de khat et la consommation d’alcool ? Les sujets d’études ne manquent pas, et la liste n’est nullement exhaustive !
« Il est interdit d’interdire » : c’est en partant de ce postulat que ce dossier a été réalisé. Nous nous sommes rendus auprès de ceux qui en vivent, de ceux qui le consomment quotidiennement et ne pourraient vivre sans, mais également auprès de médecins qui ont mené des recherches sur le sujet, et enfin auprès de ceux qui l’exècrent au plus haut point allant jusqu’à le comparer à un poison.
Comme vous le verrez les opinions sont très tranchantes, très divergentes, et très souvent passionnées. Il ne s’agit pas ici de chercher à cataloguer le khat comme un bienfait ou un fléau, mais de chercher à informer quelque peu sur cette plante et sur ces différents contours qui sont malheureusement trop souvent ignorés.

Lieu de répartition
Le Khat fait l’objet d’une culture intensive au Yemen du Nord dans la majeure partie des zones montagneuses, en Ethiopie, en Somalie, en Erythrée, en Arabie du Sud Ouest et à Madagascar.
Il est très commun de constater dans les champs de khat situés dans les plaines autour d’Awaday qu’ils sont hérissés de tours de guet où des gardes armés surveillent les cultures nuit et jour : On comprendra aisément que cette culture n’a pas la même valeur ajoutée qu’un champs de tomates.
Il est cultivé généralement dans les régions montagneuses, puisque les sites les plus favorables sont les terrasses situées de 1700 à 2000 m d’altitude bénéficiant d’une pluviosité suffisante, ou, à défaut, de possibilités d’irrigation. Ces cultures en terrasse valorisent des paysages montagneux très escarpés. Les défenseurs de la culture du khat en tirent argument et prétendent que les montagnes sont ainsi préservées de l’érosion. Heureuse convergence de l’écologie et de certains intérêts économiques, comme dirait certains mais pas forcément de la santé publique !
Il a été introduit par la suite au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, au Congo, au Zimbabwe, en Zambie, en Afrique du Sud, à Madagascar et même en Afghanistan.

Comment est-il produit ?
Le khat a acquis, en raison de ses propriétés excitantes recherchées par les populations de la région d’Awaday, une importance sociale, culturelle et économique considérable, à tel point que sa culture aurait supplanté celle plus ancienne du café et du thé, d’un moindre rapport, encore qu’il faille relativiser ce « déplacement » de cultures, le caféier prospérant à une altitude nettement moins élevée, entre 1000 et 2000 m. Il existe d’ailleurs des cultures mixtes de khat et de caféiers dans le même champ.
Les paquets sont conditionnés en bottes de 500 g environ, enveloppées autrefois dans des feuilles de bananier et aujourd’hui dans du film plastique pour en conserver la fraîcheur. Le khat, en effet, ne garde ses vertus que pendant 24 heures au maximum. En réalité, c’est le développement des transports aériens qui a permis d’acheminer en quelques heures les rameaux fraîchement cueillis à l’aube autour d’Awaday vers les différents marchés de part le monde, garantissant ainsi la fraîcheur du produit, condition sine qua non de qualité. Même si depuis 2009 suite à un différend commercial insoluble entre importateurs djiboutiens et un transporteur aérien, l’acheminement par camion s’est imposé définitivement semble t-il pour cette destination. Depuis, d’Awaday à Galilé, les camions surgissent à tombeau ouvert sur la piste non goudronnée. Klaxon enfoncé, il semblerait que rien ne les arrête, ni les piétons, ni les dromadaires et c’est dans un nuage de poussière et de fumée qu’ils disparaissent sur cette piste avec leur cargaison de khat à livrer de toute urgence puisqu’il ne doit en aucune manière s’altérer. C’est donc une course contre la montre, aux enjeux économiques énormes qui s’engage chaque jours à 4h du matin alors que la nuit est encore fraîche et humide. Il faut éviter à tout prix que la précieuse marchandise arrive à destination avant que le soleil soit à son zénith.

Comment se consomme t-il ?
Il faut savoir que les tiges ne sont pas consommées, ou en tout pas ceux produits à Awaday, contrairement au Miro kenyan, dont les tiges se consomment aisément après en avoir détaché la peau au préalable. Pour toutes les autres varités il faut arracher de chaque rameau les feuilles que les consommateurs mâchent longuement et, pourrait-on dire, cumulativement, en ce sens que le consommateur accumule progressivement, à mesure que la séance de khat s’avance, les feuilles mastiquées dans le creux de la joue. Jusqu’à former une sorte de grosse boule. Cette dernière est ensuite machée lentement, méticuleusement, pour ne pas dire savoureusement, jusqu’à ce que tous les sucs qui résultent de cette mastication continue et de l’ensalivement, en soient extraits chargé qu’il est des principes actifs de la plante et le résidu est soit expectoré ou avalé. Et cela peut prendre du temps. Beaucoup de temps ! On accompagne souvent cette longue mastication en buvant de grandes quantités d’eau, de thé, ou bien encore de boissons sucrées - de préférence les produits de la gamme Coca-Cola sous nos cieux - qui ont l’avantage de faire passer le goût un peu amer des premières branches. Le tout bien entendu agrémenté de cigarettes ou - pour les personnes n’ayant pas peur de se déplacer avec tout leur artirail - de narguilé.
On estime que les Djiboutiens qui consomment le khat représentent de 50 à 60% des hommes, même si sa consommation s’est malheureusement démocratisée - sous l’effet du « genre » sans doute - et que les femmes commencent à s’y adonner dorénavant.
Un consommateur régulier lamda dépense entre 300 et 5000 Fdj par jour pour sa dose. A titre de comparaison le revenu minimum journalier d’un ouvrier-manutentionnaire est de 1500 Fdj. C’est ainsi une part importante des ressources du foyer qui est sacrifiée sur l’autel du khat, du plaisir personnel et égoïste du chef de famille. Nombreux sont ceux qui investissent ainsi leurs maigres revenus pour en acheter, et consacrent peu à peu toute leurs après-midis â macher cette belle plante éthiopienne, délaissant travail, épouses, et enfants.
Il se consomme en commun le plus souvent, au cours de réunions conviviales commençant après le repas de midi et se prolongeant toute l’après-midi jusque tard dans la nuit. La conversation et les échanges d’idées sont stimulés pendant les premières heures de la séance, on se sent euphorique, invincible, vif et intelligent souvent. Il se consomme également en privé.
Il faut savoir que certaines catégories socio-professionnelles associent l’exercice de leur travail et la consommation de khat. Les deux deviennent liés, ils ne pourraient plus travailler aujourd’hui autrement voire difficilement. Il s’agit notamment des propriétaires de taxis, des conducteurs de camions de transport, de bus, ou encore d’étudiants préparant leurs examens de fin d’année. La puissante faculté de réduire la fatigue du corps, et donc une forte insomnie, expliquent sans doute qu’il soit apprécié et recherché par certains.

Un fait culturel bien ancré dans nos mœurs…
Il rythme tous les moments de la vie, que cela soit pour une naissance, un mariage, un décès, une promotion, des retrouvailles, des fêtes religieuses, bref les circonstances solennelles de la vie, et les fausses excuses ne manquent pas pour se réunir autour de séances de khat. Il n’en fut pas toujours ainsi par le passé, notamment pour ce qui est de la composition de la dot qui doit-être remise à la famille de la jeune fille où le khat ne figurait pas auparavant. Il n’est pas rare aujourd’hui de clôturer un repas - pas par un trou normand comme de rigueur ailleurs dans le monde – mais par une séance de khat entre amis. La tradition et les règles d’hospitalité impose d’ailleurs à l’hôte d’offrir à ses convives de passer au mabraze – lieu dédié à la consommation de khat où sont posés à même le sol des tapis et des cousins pour s’appuyer confortablement – après le repas et de poursuivre la conversation. Ainsi comme on peut le voir les occasions pour organiser ce qui est devenu le passe temps préféré des Djiboutiens, ne manquent pas. Quoiqu’il en soit, au bout de quelques heures, l’excitation retombe et c’est le signal de la fin de la séance.
Sa vente est interdite en 1977 par décret présidentiel Le khat est une institution bien enracinée dans notre tradition qu’il n’est pas aisé de chercher à interdire son usage. Pourtant une interdiction ferme concernant aussi bien son importation que son usage en République de Djibouti a été appliquée par décret le 2 août 1977, au lendemain de l’Indépendance par le président Hassan Gouled Aptidon. Cette politique pourtant volontariste fut un échec.
Malgré toute sa bonne volonté et sa détermination affichée le Président Aptidon a été contraint de revenir sur son arrêté puisqu’il n’a pas été en mesure de lutter efficacement contre la contrebande qui s’est organisée le long de la frontière entre l’Ethiopie et la Somalie. Toute une économie souterraine s’est mise en place, sa prohibition rendant de facto son commerce extrêmement profitable pour ceux qui s’y adonnaient et privait les finances publiques de recettes fiscales intéressantes. Finalement le 4 décembre 1977, le décret est annulé.

Activité pharmacologique
Le Khat produit des manifestations sympathomimétiques, due à la présence de cathine. Cet alcaloïde a une structure proche de celle de l’amphétamine, avec cependant une activité bien plus faible. On constate une dilatation de la pupille, une hyperthermie, une hausse modérée de la pression artérielle, une respiration accélérée, une augmentation de la libido allant de pair avec une impuissance. Chez des individus déjà fragilisés, on a signalé des accidents vasculaires cérébraux. Il ne semble pas que le khat favorise les accidents coronariens. Il apparaît une perte d’appétit et de la constipation qui coïncide avec une augmentation de la vente de laxatifs dans les pharmacies. Accessoirement, les dents des mâcheurs de khat prennent une coloration brune caractéristique. De plus, la consommation de boissons sucrées dans le but de masquer l’amertume du khat provoque des caries dentaires. Plus grave est le risque de dénutrition, dû autant à l’effet anorexigène du khat qu’au fait que l’argent dépensé en khat manquera ensuite pour les achats de vivres. On verra alors apparaître une sensibilité accrue aux maladies infectieuses et à la tuberculose en particulier. Sur ces pathologies viennent se greffer les effets préjudiciables de la consommation intensive de tabac.
Au niveau du système nerveux central, on constate une insomnie, de la nervosité. Des cas de psychose s’accompagnant d’hallucinations et de délire de persécution avec parfois actes de violence ont été décrits, ayant nécessité le placement des malades en institution. On a commencé par traiter ces malades par les neuroleptiques comme il est de règle puis on s’est aperçu qu’il suffisait de leur interdire l’accès au khat pour qu’ils guérissent parfaitement de tous leurs troubles sans autre médication.

Aspects toxiques du khat
Dès 1973, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait le khat parmi les drogues produisant une dépendance. En 1985, la cathine, un des alcaloïdes du khat, fut classée parmi les substances amphétaminiques, avec toutefois une activité 7 à 10 fois plus faible.
La cathinone, autre alcaloïde du khat, a une activité stimulante égale à la moitié de celle de l’amphétamine sur le système nerveux central. Par contre, ces composés ne causent ni accoutumance ni assuétude, en raison semble-t-il des faibles quantités ingérées lors des séances de mastication. Cependant la thérapeutique moderne de cette affection offre aux patients des ressources reléguant le chat à l’arrière plan ! D’autres auteurs ont noté un faible syndrome de sevrage chez les gros consommateurs de khat : Lassitude, léger tremblement, sans commune mesure avec ce qui se produit avec les opiacés. Dans l’ensemble, les médecins ne considèrent pas le khat comme un stupéfiant stricto sensu. Le khat doit être considéré comme un psychostimulant remplissant dans les pays où il est consommé un rôle de lien social. La mastication répétée du chat est irritante pour la muqueuse buccale et un risque de cancer a été évoqué. Sont également attaqués l’oesophage et le parodonte.

Répercutions économiques
Elles sont désastreuses pour un grand nombre de nos concitoyens. On a évalué à 25-30 % du salaire moyen la dépense consacrée au khat à Djibouti, cela au dépens du budget alimentaire. Le commerce du khat est un bon filon, d’ailleurs à tel point qu’il est obligatoire de disposer d’une licence - dont le nombre est volontairement limité - pour exercer cette activité très lucrative en République de Djibouti. Son exercice est extrêmement contrôlée par les autorités des douanes notamment du fait de l’émergence d’un commerce de contrebande qui prend de plus en plus d’importance ces dernières années et engendrant une concurrence déloyale aux commerçants licenciés.
La plus ancienne des sociétés exerçant dans ce secteur est la SOGIK, société anonyme dont les heureux actionnaires sont au nombre de 144. Depuis un peu moins de 20 ans, un second groupement a été autorisé à s’ intaller sur ce marché juteux, celui que l’on nomme communément le syndicat des Particuliers. Ils sont au nombre d’un peu plus d’une centaine de membres. Ces deux organismes sont les véritables chevilles ouvrières de ce commerce. Ils sont organisés, méticuleux et disposent d’importants fonds. Leur réseau de distribution est le plus dense du pays et le plus efficace puisqu’il ne vend qu’un produit, le khat. Par recoupement d’informations on peut estimer que chaque propriétaire de licence distribue en moyenne 8 tables de khat - point de vente -, et si l’on considère qu’il y a environ 250 licences, on peut raisonnablement penser qu’il y a dans la capitale 2000 points de vente. Chaque point de vente employant entre deux ou trois personnes, on se rend rapidement compte de l’importance et du poids de ce secteur dans l’économie nationale. Et si l’on veut donner une image encore plus représentative de ce marché, on pourrait ajouter que chacune des personnes qui vie de la vente du khat nourrit ou contribue fortement aux dépenses quotidiennes d’un foyer composé de 5 à 6 personnes en moyenne. C’est donc 36 000 personnes à Djibouti qui en vivent d’une manière ou d’une autre. Les propriétaires de licences ne sont pas les seuls à profiter de ce commerce, puisqu’il assure à l’Etat de substantielles ressources fiscales, autour de 14 millions journaliers, un peu plus de cinq milliards de nos francs à l’année tout de même. Ca laisse rêveur !

Conclusion
Le khat est incontestablement une plante douée d’une activité euphorisante et stimulante. Le mode d’emploi du khat en fait une drogue propre à resserrer des liens sociaux et conviviaux.
Elle ne provoque pas d’accoutumance, sinon psychologique et surtout pas d’assuétude, c’est à dire ce besoin irrépressible d’augmenter sans arrêt la dose pour obtenir le même effet avec le danger de l”overdose”. Si l’abus momentané peut produire des désagréments sérieux, ceux-ci sont entièrement réversibles à l’arrêt.
Plus nuisible est l’impact économique du khat sachant que dans les milieux modestes la part du salaire consacré à l’achat du chat peut aller jusqu’à 30 %, réduisant des foyers à la misère. Il est vrai que le khat assure aux impôts des ressources considérables.
Des travaux de recherche spécialisés permettant de mieux connaître la dimension économique de sa commercialisation et de sa consommation en République de Djibouti, devraient sans nulle doute être lancés. Il faudrait certainement y ajouter des recherches sur le plan médical établissant son coût sanitaire.

Mahdi A.

 
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