Nous avons appris mercredi matin la mort de Mohamed Osman Farah (MOF), des suites d’un AVC à l’âge de 53 ans. Nos sentiments sont partagés entre incrédulité et tristesse. La nouvelle de sa mort a provoqué une onde de choc parmi ses proches, ses collègues, et bien entendu ceux qui l’ont côtoyé tout au long de sa carrière. Il a été hospitalisé aux urgences de l’hôpital Peltier dans les premières heures de la matinée du mardi 17 ; le lendemain, vers cinq du matin, il nous quittait. Il était à la tête de la direction de La Nation depuis 2017.
Qui était Mohamed Osman Farah ? Que dire sur ses qualités qui n’ait pas été déjà publié sur les réseaux sociaux, tant les hommages se multiplient et saluent un grand professionnel et sa bonté d’âme ? Son collègue, Mohamed Ahmed Saleh (MAS), très affecté par cette disparition, parait bien en peine pour nous en parler. Il est encore sous le coup de l’émotion lorsque nous le questionnons dans la soirée, quelques heures après l’enterrement. « Pour moi, c’est difficilement compréhensible. Je m’étais rendu à son chevet hier mardi, à 11h. Bien qu’il soit inconscient, le médecin s’était montré très confiant ; il avait indiqué avoir bon espoir de le voir retrouver une bonne partie de ses capacités dès le lendemain. Sans doute la raison pour laquelle la nouvelle est d’autant plus difficile à digérer. Son décès est complétement inattendu. Comment reprendre son travail dans la foulée ? Rendre ses textes à la rédaction en respectant la deadline ? Après la prière en présence du corps du défunt, et l’enterrement qui s’en est suivi, il a fallu reprendre le clavier. Écrire au pas de course, alors que les larmes coulent sans discontinuité, c’est là, une expérience inédite et d’une difficulté invraisemblable. Et dire que le directeur de la rédaction Fahim Ibrahim Ali m’avait désigné pour la composition de l’hommage posthume ! Je n’ai pas pu, c’était au-dessus de mes forces. Pour moi, MOF n’était pas un ami, c’était un membre de ma famille, un frère. Ali Barkat Siradj (ABS) s’est fort heureusement proposé pour cette mission des plus délicate ».
Écrire quelques mots n’a pas été plus aisé pour Ali Barkad Siradj. Il faut savoir faire abstraction des émotions qui nous envahissent, parvenir à se ressaisir en concentrant son attention sur le portrait du défunt, en s’efforçant de coller le plus fidèlement possible à la réalité. S’il peut être nécessaire d’orienter un portrait afin de le rendre plus séduisant, pour celui de MOF nul besoin d’artifice. ABS se souvient, dans le magnifique édito de ce matin, que MOF était une plume rigoureuse, un homme de culture, discret, doté d’une grande patience, ayant peu de goût pour les excès, courtois avec tous, un homme de famille, apprécié de tous ses collègues. C’était quelqu’un d’une grande rigueur, pour lui comme pour les autres.
« Évoquer la mémoire d’un ami disparu est un exercice délicat, surtout quand on est encore sous le choc d’une mort survenue sans crier gare. Mais l’islam, notre religion, que MOF chérissait tant, nous apprend à ne jamais considérer la mort comme injuste même lorsqu’elle l’est. […] En dehors du cercle familial, ses amis d’enfance gardent de Mohamed le souvenir d’un garçon sans violence, qui aimait la lecture et le cinéma. Après des études primaires et secondaires à Djibouti et supérieures en France, Mohamed Osman Farah a d’abord travaillé au ministère de l’Intérieur. Mais son amour de la langue de Molière finira au début des années 2000 par l’amener un jour à pousser les portes de l’unique quotidien francophone du pays. C’est ainsi que Mof rejoint l’équipe de La Nation où sa belle plume, son souci de la syntaxe, et son humeur toujours égale contribueront à son ascension. Rédacteur en chef adjoint puis rédacteur en chef du journal, il sera nommé directeur en octobre 2017. »
Nos pensées vont à la famille qui traverse cette pénible épreuve. Nos condoléances à ses quatre jeunes enfants qui doivent affronter cette nouvelle souffrance, deux ans à peine après avoir perdu leur mère à la suite, aussi, d’un accident cardiovasculaire. Une pensée particulière à celle qu’il considérait comme sa meilleure amie, sa sœur Zeinab, chez qui il avait pour habitude de se rendre depuis, plus d’une décennie pour partager le déjeuner du vendredi en famille. Il m’en avait fait confidence un vendredi où nous nous étions retrouvés tous les deux chez nos amis communs, Zeinab et Hassan.
Enfin, quelle plus belle manière pour honorer la mémoire de notre confrère parti trop tôt que, de réfléchir, de surcroît à l’ère des théories du complot et autres fake news, à la création d’un prix associé à son nom ? Ce prix annuel permettrait de récompenser les journalistes qui se sont distingués par la qualité de leur travail et par leur engagement en faveur des droits de l’homme, la justice, l’environnement, voire encore la démocratie... Ne serait-ce pas une belle manière de rendre hommage et saluer honorablement la mémoire et l’engagement journalistique de Mohamed Osman Farah ?
Mahdi A.