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Ilhan Omar attendue à Djibouti avec une délégation du Congrès américain
par Mahdi A., septembre 2019 (Human Village 37).
 

Cinq élus à la Chambre des représentants doivent se rendre à Djibouti pour une visite de trois jours, les 1, 2, et 3 octobre prochain. La délégation, conduite par Karen Bass (31e district de Californie, démocrate), est composée de James Sensenbrenner (5e district du Wisconsi, républicain), Hank Johnson (4e district de Georgie, démocrate) Sheila Jackson Lee (18e district du Texas, démocrate) et Ilhan Omar (5e district du Minnesota, démocrate). Cette dernière jouît d’une immense popularité dans le pays, pour ne pas parler du continent africain. Son parcours, bien connue de la population djiboutienne, s’apparente presque à un conte de fée ; il résume à lui seul ce qui fait la force et la grandeur de l’Amérique, l’idée, selon laquelle, n’importe quelle personne vivant aux États-unis d’Amérique, peut, par son travail, son courage, et sa détermination y prospérer, quels que soient sa religion et son origine.

Ilhan Omar, fuyant la guerre à Mogadiscio, trouve refuge avec sa famille, dans un premier temps au Kenya, puis finalement aux État-Unis d’Amérique, où ils obtiennent l’asile. Ce pays de l’autre côté de l’Atlantique devient sa nouvelle demeure, sa patrie. Par la force des choses, il lui faut trouver ses marques, s’acclimater aux us et coutume, souvent à mille lieux de son quotidien à Mogadiscio. Depuis lors, la jeune réfugiée, naturalisée américaine en 2000 (six ans avant Mélanie Trump), a tracé son bout de chemin : devenant une figure marquante de la gauche démocrate.
« Son nom ne vous dit rien encore, mais, demain, c’est une tout autre affaire », voilà ce qu’affirmait en 2016, Abdourahman Waberi dans une de ses chroniques dans les colonnes du quotidien Le Monde. Il fut sans doute l’un des premiers, a à avoir remarqué son talent oratoire, et surtout sa capacité à mobiliser pour des causes qui lui sont chères. Ce constat l’avait amené à prédire un avenir haut en couleur pour cette force de caractère hors norme. Avec sa première victoire en 2016, elle est élue à la Chambre des représentants du Minnesota, devenant par la même, la première femme d’origine somalienne dans une assemblée d’un État fédéré américain.

Abdourahman Waberi raconte ainsi son parcours : « Née en 1982 en Somalie, Ilhan Omar a tout juste 8 ans quand la guerre civile jette sur les routes une grande partie de la population. Comme d’autres familles, celle de la future militante se retrouve dans un camp de réfugiés au Kenya, où elle réside quatre ans avant d’être admise à émigrer aux Etats-Unis. A 12 ans, c’est à Arlington, en Virginie, qu’elle fait ses premiers pas au sein de la communauté est-africaine rescapée des conflits qui continuent de déstabiliser la Corne de l’Afrique. Deux ans plus tard, la famille Omar quitte la Virginie pour rejoindre Minneapolis et Saint Paul, les villes jumelles du Minnesota qui abritent la plus grande communauté somalienne du continent américain. […] En aidant son grand-père désireux d’accomplir son devoir civique, la lycéenne se découvre une passion pour la “chose publique”. Elle se fait militante de base du Parti démocrate, collant des affiches, faisant du porte-à-porte, invitant son entourage à s’inscrire sur les listes électorales et à exercer leurs droits constitutionnels. Élevée par son père et son grand-père, qui lui ont transmis leur soif de justice et de liberté, la petite apatride accomplit un parcours scolaire exemplaire couronné par une licence en sciences politiques. Mais c’est sur le terrain social qu’elle se distingue, œuvrant pour les plus humbles. Elle n’a jamais oublié d’où elle venait : “Quand nous avons débarqué aux États-Unis, je ne parlais pas anglais”. » [1].

Cet engagement ne s’est jamais démenti : militante associative active, elle aide les habitants de sa circonscription à défendre leurs intérêts, encourageant les jeunes à se détourner de la délinquance et à trouver leur place dans la société. Même si force est de reconnaitre que son succès électoral, doit beaucoup à la composition ethnodémographique de sa circonscription dans la ville de Minnesota. C’est l’un de ses principaux atouts. Une importante communauté originaire de la Corne de l’Afrique y est installée de longue date. En particulier un important réservoir électoral de 25 000 somali-américains acquis à sa cause. En novembre 2018, elle a transformé l’essai de 2016, recueillant, 78 % des voix pour représenter le 5e district du Minnesota à la Chambre des représentants. Ceci expliquant sans doute cela, il n’est pas surprenant de la voir prendre des positions iconoclastes et d’adopter des positions tranchées sur des sujets difficiles, sans faux semblants, puisque partageant la même sensibilité sur de nombreux points que, ses électeurs, majoritairement de confession musulmane. Elle n’hésite pas à dénoncer la colonisation des territoires occupés de Palestine par Israël, à s’insurger contre les crimes de guerre commis au Yémen, à pourfendre les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et à son allié émirati. Comment s’étonner avec de tels ingrédients, qu’avec Trump, la mayonnaise n’ait pas pris ! Elle est devenue sa bête noire, au point qu’il l’a invitée à quitter les États-unis d’Amérique et à retourner dans son pays de naissance [2].

Au menu des discussions de la visite à Djibouti, il sera question des implications de l’ouverture d’une base chinoise à Doraleh, de piraterie en haute mer, de la stabilité de la Somalie et des élections générales en 2020/21, de la lutte contre les Shebabs, des conditions nécessaires au renforcement des capacités de l’AMISOM, la guerre au Yémen et la sécurisation de Bad el Mandeb. Les attaques de drones et leurs conséquences collatérales sur les populations civiles, si décriées par les autorités politiques et législatives de Somalie, seront aussi évoquées. Pour information, depuis, janvier 2019, 98 frappes de drones ont fait entre 664 et 714 victimes (dont entre 0 et 30 civils). Les blessés ne sont pas décomptés par les forces américaines [3].
La question de l’Érythrée sera également à l’ordre du jour, et ce d’autant plus qu’une délégation d’élus américain, dont Ilhan Omar, s’y est rendue en mars dernier. La visite n’a probablement pas été un grand succès, si l’on se fie à la pétition appelant le président Trump à ne pas déporter à Asmara les réfugiés érythréens ayant demandé l’asile à l’Amérique.

Djibouti peut jouer finement en mettant à profit la visite de cette délégation parlementaire pour en faire un relai de lobbying actif afin de contrecarrer les velléités hostiles aux intérêts de la région d’un agenda américain. Ismail Omar Guelleh devra tenter de faire entendre un autre son de cloche. Notamment la peur de l’instabilité et du chaos que pourrait générer une pax americana qui ne verrait que le prisme du tout sécuritaire (terrestre et maritime). Elle ne doit pas oublier dans ses projections les réalités socio-culturelles. Il n’est pas rare que des actions, louables sur le papier, produisent en retour des effets indésirables sur le terrain. Il ne faut pas chercher loin dans les dernières expéditions américaines pour le vérifier. Embrigader la Corne dans des différends et rivalités qui sont à mille lieux de ses préoccupations ne peut en aucune manière être considérée comme une action bienveillante. Notre région a déjà suffisamment souffert pour avoir gagné le droit de ne plus subir des expérimentations aux incidences potentiellement explosives. Ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?

On ne peut pas conclure sans rappeler que, le 4 octobre, l’honorable Ilhan Omar aura un an de plus. Nous nous permettons de lui souhaiter un très joyeux anniversaire, pour de très longues et belles années encore !

Mahdi A.


[2« Trump says hes enjoying fight with democrats over his racist tweets », Washington Post, 17 juillet 2019.

[3Pierre Martin, Le champion des frappes de drones, Obama ou trump ?, Le journal de Montréal, 14 septembre 2019.

 
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