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Doraleh Container Terminal
par Mahdi A., septembre 2011 (Human Village 18).
 

Lorsqu’a été posé la première pierre du méga projet du « Doraleh Container Terminal » (DCT), bon nombre d’entre nous étaient à penser, et je comptais parmi eux, que le chantier ne verrait jamais le jour ! Sans doute l’étendue des travaux projetés et le montant global du projet paraissaient trop colossaux à nos yeux si peu accoutumés à des investissements aussi massifs…

Pourtant en décembre 2008, le DCT a été inauguré en grande pompe par le chef de l’Etat, il soufflera sa troisième bougie cet hiver. Le pari était osé, il faut le reconnaître, mais aujourd’hui c’est un succès : c’est devenu le premier terminal à conteneurs en Afrique de l’Est en termes d’installations et d’équipements modernes. Il dispose de 6 portiques de quai de dernière génération, de 16 portiques de parc, de 400 points de connexion pour les conteneurs frigorifiques, d’une zone de stockage pour conteneurs fuyants, ainsi que d’une zone de réparation et de nettoyage des conteneurs. Son atout maître, une profondeur de quai de 18 mètres ! Là réside tout le noeud du projet… Cette profondeur exceptionnelle donne enfin accès à un marché dont par le passé nous étions exclus : les navires de catégorie « Super Post Panamax ». Ils sont à même de transporter plus de 50 000 conteneurs. La taille phénoménale de ces nouveaux monstres marins nécessite un minimum de 12 hectares d’espace de déchargement. La Port autonome international de Djibouti (PAID) ne comptait que 12 mètres de tirant d’eau. Il manquait par ailleurs d’espace pour satisfaire pleinement les besoins indispensables pour ériger des infrastructures adéquates de transbordement de conteneurs. Suite à la montée en force de la part du conteneur dans le fret international, il nous fallait soit repenser la géographie de l’ancien port, soit nous préparer à moyen terme à une chute brutale de nos activités portuaires. Le positionnement et l’urbanisation dense autour du site du PAID rendait impossible, faute d’aires portuaires disponibles, l’agrandissement de notre port historique. A partir de ce constat, l’idée de la création d’un nouveau port a vite fait son cheminDjibouti ne pouvait se permettre de rater le coche, l’activité portuaire est, il faut le répéter, ce qui a façonné notre destin, la pierre autour de laquelle a été édifiée une économie viable et notre unité.

Des avantages comparatifs inégalables…
Les nombreux avantages trafic par conteneur font qu’il occupe aujourd’hui une part primordiale dans les échanges internationaux, grignotant d’année en année, celle du vrac. Il faut savoir que le transport par conteneur réduit substantiellement les frais de transport : environ vingt fois moins que le vrac. La messe est dite ! Le facteur principal d’aussi faibles coûts de transbordements réside en sa rapidité et sa souplesse. Les opérations de transfert sont rapides et minimes. Un porte-conteneur moderne possède une capacité de 3 à 6 fois supérieure à celle d’un cargo conventionnel. Il s’agit surtout d’un gain de temps de transbordement : 10 à 20 heures suffisent pour décharger 1 000 unités EVP contre 70 à 100 heures pour une quantité de vrac similaire. Par ailleurs une période réduite d’accostage correspond à une potentialité de navigation accrue, ce qui se traduit par une meilleure rentabilité chez les opérateurs sachant qu’un navire à l’arrêt n’est point lucratif. Il s’agissait de ne pas rester à quai, il fallait coûte que coûte prendre l’express à temps. C’est ainsi que l’on peut le mieux symboliser le marché du conteneur soit en s’y arrimant fermement, soit en restant à la remorque et en espérant que la corde cèdera le plus tard possible, avec tous les risques que cela peut comporter, notamment en entrainant dans sa chute toute l’économie du pays !

Le marché visé…
Idéalement placé le « Doraleh Container Terminal », vise le trafic qui transite sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, au carrefour de trois continents, et qui fait de Djibouti, un centre de transbordement idéalement situé pour desservir l’Afrique de l’Est et le Moyen Orient, et avec une particularité étonnante, celle de pouvoir croiser les lignes reliant l’Asie et l’Europe avec la grande ligne Est-Ouest. L’ambition est de faire du DCT un véritable port d’éclatement vers l’Afrique de l’Est et la zone océan Indien, un hub portuaire de la région à l’image du port de Singapour ou de celui de Dubaï. Cela attirera beaucoup plus d’opérateurs économiques vers Djibouti et les activités logistiques connaîtront alors un développement très important comme cela a été le cas d’ailleurs pour ces deux pays. Il faut le savoir, les deux tiers du trafic conteneurs à Djibouti, sont constitués actuellement par le transbordement, signe que le port est déjà un « hub ». De plus, Djibouti présente déjà une bonne flexibilité opérationnelle : il existe une vraie volonté du management du DCT, sous la houlette de, Johannes Hans de Jong, de répondre aux besoins de ses clients. Il faut capitaliser ces avantages si l’on souhaite attirer toujours plus d’activités de transbordement et fidéliser notre premier partenaire, l’Ethiopie. Parallèlement il faudra que les autorités portuaires s’attèlent à attirer davantage le trafic naissant aussi bien pour l’importation que pour l’exportation, du 54e État africain, le Sud Soudan, dont les besoins sont énormes. Pareillement, il nous reste également à capter le trafic importation de la Somalie, actuellement transbordé via les ports, de Salalah et d’Aden.

Qui a dit que les petits n’ont pas d’ambitions ?

Des concurrents régionaux sérieux…
Des projets d’agrandissements de ports sont en cours de réalisation dans la région, que cela soit à Salalah, ou bien encore dans les cartons à l’état de projets, comme à Berbera, mais on ne dispose malheureusement pas d’informations précises sur leur état d’avancement ou de leur mise en oeuvre. Mais cela ne doit pas nous inquiéter plus que cela, puisque la demande en infrastructures portuaires, est en constante augmentation depuis ces dix dernières années : il y aura selon l’avis des experts consultés au DCT, de la place pour plusieurs projets. Par ailleurs il faut garder à l’esprit que le trafic portuaire mondial de conteneurs a pratiquement doublé en l’espace de 5-6 ans.

Les handicaps du DCT : sa jeunesse !
Le DCT n’a que trois ans ! Au début il y avait des soucis en matière de productivité, c’était, si l’on peut dire, la période de rodage. Mais aujourd’hui, le DCT a atteint des niveaux de productivité acceptables : ils sont à la hauteur des ambitions de notre pays puisque le rendement moyen actuel du DCT est de 37 mouvements par heure et par portique. A titre de comparaison, les ports moyens sont à environ 25 conteneurs/heure, les plus performants, les chinois, eux, sont à 42 conteneurs/heure. Il faut savoir que notre port dispose actuellement de 1050 mètres de quais, de 6 portiques et d’une capacité d’enregistrer un trafic de l’ordre de 1,2 million de conteneurs par an, contre les 850 000 estimés pour la fin 2011. Presque le double de ce qui a été réalisé en 2010 ; et ce n’est pas fini, un potentiel de développement phénoménal existe !

Le management du DCT ambitionne de devenir le port de référence dans la région, avec un impact non négligeable sur la création d’entreprises et l’emploi. Le moins que l’on puisse dire c’est que les managers ont raison de croire dans le potentiel et la valeur de nos ressources humaines et ne pas brider nos ambitions. Mais pour ce faire, ils doivent convaincre par leur performance. Sur ce dernier point ils n’ont pas à rougir de leurs résultats : le DCT a été certifié ISO 28000 sur le système sécurité par l’agence d’accréditation de la compagnie anglaise, Lloyds, et en passe de l’être également sur la norme qualité, communément appelée ISO 9001.
Aujourd’hui, il est question d’envisager l’augmentation de la capacité du DCT dans les années à venir afin de faire face à la croissance du trafic. Il ne faut pas oublier que, deux des premières compagnies maritimes mondiales, en l’occurrence PIL Singapour et l’American Pacific Line (APL), se sont engagées, pour la première depuis octobre 2010 dans le cadre d’un partenariat avec le DCT, à utiliser notre port pour ses activités de transbordement à hauteur de 150 000 EVP/an, et pour la seconde qui vient de démarrer ses activités cette année, tenez-vous bien, à hauteur de 500 000 EVP/an ! Il faut bien comprendre que dans l’activité de transbordement, il est commun que des navires d’une capacité de 10.000 ou même voire de 50 000 conteneurs arrivent au DCT, et qu’une partie de la marchandise y soit déchargée, en vue d’être acheminée vers des ports étrangers de la région par des bateaux plus petits que l’on appelle des « feeders ». C’est en cela que les engagements pris avec les armateurs PIL ou avec APL sont importants car ils permettent de conforter la position de Djibouti comme hub régional et de valider la pertinence de la stratégie nationale de développement portuaire.
De nos entretiens avec les responsables du DCT, il ressort qu’ils sont convaincus d’avoir la capacité de répondre aux attentes de leurs clients. « Nous disposons d’atouts indéniables pour atteindre le niveau d’activité que nous visons. D’ailleurs je peux vous confier que nous sommes en discussion avec deux autres grands acteurs internationaux qui souhaiteraient eux aussi bénéficier de nos installations. Je dirais même que notre préoccupation, est aujourd’hui d’assurer des relais de croissance à nos partenaires puisque, si l’on se fie à notre tableau de bord, les infrastructures du port arriveront probablement à saturation dans les prochaines années, aussi il est de notre devoir d’anticiper et de proposer des possibilités de développement à nos clients », nous explique le directeur commercial du DCT, Warsama Hassan Ali.
Les infrastructures actuelles permettraient, si cette option était validée, l’extension du port sur le même site. Il est normal, nous précise-t-on, lorsque l’on construit un port de s’inquiéter de ses possibilités d’extension. Aussi, dès le lancement du chantier du DCT, celles-ci ont été identifiées et ont servi à la planification territoriale nécessaire en vue de sauvegarder les espaces nécessaires. Il n’était pas question de commettre le péché originel du PAID ! Aussi, s’il y a extension de l’activité conteneurs, il s’agira forcément du même port dans la même enceinte portuaire. Puisque techniquement, il a été conçu pour être finalisé en deux phases, avec à terme, un port plus grand que le port actuel. C’est dans ce contexte et compte tenu de l’extraordinaire croissance du trafic portuaire de conteneurs dans le monde en raison du développement du commerce mondial, de la conteneurisation et du modèle de transbordement, qu’il a été envisagé de passer d’ici peu à une étape de consultation avec les compagnies maritimes et les opérateurs portuaires pour sonder l’intérêt des uns et des autres. Des options de développement sur le très court terme existent bien, mais aucune extension ne sera réalisée avant qu’elle ne devienne justifiée et rentable pour les actionnaires, que sont l’Etat et DPWORLD.

La présence de partenaires comme le DFZ est pour Doraleh, un élément déterminant
En termes d’emploi le DCT a créé un peu plus de 600 emplois directs auxquels il faudra ajouter tous les emplois indirects occasionnés par ces mêmes activités. Au final, le nombre des personnes qui iront travailler sur le site du complexe portuaires de Doraleh, après sa probable extension, avoisinera sans aucun doute les 2 000. Par ailleurs il faut noter qu’un projet, de concert avec les autorités compétentes, est en cours de réflexion afin de créer une nouvelle zone franche adossé cette fois-ci à Doraleh, celle-ci devrait, permettre la création de 10000 à 20000 emplois à terme. Il faut savoir qu’il y a plus de 80 transitaires implantés en République de Djibouti et une vingtaine de lignes maritimes… Pour information les 40 hectares de la première tranche de Djibouti Free Zone (DFZ) sont entièrement occupés, dont 23 directement par le PAID, ce qui prouve l’opportunité de cette stratégie ainsi que le sérieux et l’efficacité de son management.

En outre, DTC est doté de toutes les facilités opérationnelles et commerciales afin d’attirer beaucoup plus de trafic des lignes maritimes internationales. Des investissements conséquents ont été consentis en termes d’équipements et d’infrastructures ! Il n’y a qu’à se rendre à Doraleh pour se faire sa propre opinion… La gestion en logistique atteint un degré de complexité, d’ailleurs si élevé, que le recours aux outils informatisés sophistiqués pour le monitoring des conteneurs, est la règle. D’ailleurs ce dernier a été renforcé il y a peu avec l’acquisition d’un nouveau logiciel qui permet de connaître le contenu, la position précise et la destination d’un conteneur donné avec la précision d’un horloger suisse. Les fondamentaux du DCT sont très solides : quatre piliers permettent d’être compétitifs, la logistique, la qualité des partenaires installés sur place et les services qui y sont assurés, ainsi que les incitations et facilitations de procédures. On pourrait citer également la disponibilité d’un immobilier professionnel en zone franche pour les opérateurs privés. D’ailleurs la présence de partenaires comme le DFZ est pour Doraleh, un élément déterminant. Mais le DCT, est incontestablement à un tournant, et il lui appartient de tirer son épingle du jeu.
Les efforts amorcés doivent être poursuivis pour maintenir à niveau constant les performances de notre joyau national. Cette hausse du trafic souhaitée, si elle se confirmait à bref échéance, attirerait vers Djibouti des lignes maritimes avec des porte-conteneurs de plus grande capacité, ce qui contribuerait à une baisse des coûts de fret/conteneur par économie d’échelle. Plus nous aurons de trafic, plus nous serons compétitifs et donc, incontournables…

Happy birthday donc, au DCT et à son personnel !
Mahdi A.

 
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