La Banque mondiale voit les choses en grand ici à Djibouti. C’est le cas de le dire, surtout depuis dimanche dernier, date choisie par l’institution bancaire pour annoncer aux femmes djiboutiennes un projet novateur. Il s’agit d’un concours visant à subventionner à hauteur d’une enveloppe comprise entre 30 000 et 100 000 dollars US le projet le plus prometteur d’entreprenariat féminin.
Dimanche dernier, la Banque en a fait l’annonce devant un parterre de femmes djiboutiennes de toutes les catégories socioprofessionnelles et de toutes les conditions sociales. Un atelier d’information a été organisé à cet effet avec le concours de la Chambre de commerce de Djibouti, animé par quatre experts de la Banque mondiale, en l’occurrence Mesdames Noura Abdi Farah, Nahida Sinno, Alejandra Linares-Rivas et Monsieur Salim Rouhana.
Cette première réunion d’information et de lancement du concours a fait le plein. De hautes fonctionnaires de l’administration publique, des opératrices privées ainsi que des figures du business women djiboutien.
Noura Abdi, experte en résilience, a ouvert le bal en expliquant les buts et les tenants de ce concours inédit dans notre contrée : « Ce projet initié par la Banque mondiale a pour but de soutenir un projet de femme entrepreneure dans sa création d’entreprise grâce à un soutien financier devant servir de déclencheur au démarrage effective du projet. In fine, à travers ce projet exclusivement dédié à la gent féminine, la Banque mondiale veut agir en faveur de l’emploi et l’autonomisation financière des femmes. Elle souhaite que ce projet puisse encourager les femmes à se lancer dans le secteur privé ». En outre elle a souligné l’urgence de créer des emplois dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). « Cette région Moyen-Orient et Afrique du Nord préoccupe énormément la Banque mondiale, c’est la région au monde où les femmes sont le moins insérées dans le milieu professionnel. La moyenne régionale est de 22%, alors que dans le reste du monde elle se situe autour de 65%. »
Elle a relevé en outre qu’à Djibouti « le taux d’occupation des femmes est de 36%, il est le plus élevé de la région MENA, a t-elle indiqué, mais la Banque mondiale n’en tient pas compte dans ses statistiques, puisque ces femmes sont cantonnées dans l’informel, acculées dans la précarité par leur activité informelle, et où elles sont contraintes de fuir les contrôles fiscaux. Par ailleurs l’absence d’accès aux crédits ne leur permet pas de faire évoluer leur entreprise faute de trésorerie ».
Ainsi, c’est un peu le serpent qui se mord la queue, elles s’enlisent dans l’informel, dans la précarité et elles sont maintenues dans un état de pauvreté et constituent un frein à leur développement.
A travers ce projet, la Banque mondiale touche un domaine sensible, l’informel non structuré, pour lui prodiguer une thérapie de choc et enclencher le déclic qui permettrait à beaucoup d’autres femmes de se lancer dans l’aventure de l’entreprenariat formel.
Nahida Sinno, experte en développement communautaire, a poursuivi en indiquant les conditions pour concourir : « La candidature est ouverte à toutes les femmes. Le projet déposé peut être une idée, ou même une jeune entreprise qui souhaiterait se développer. Les membres du projet peuvent aller jusqu’à six personnes, en sachant que le leader devra nécessairement être une femme ». Elle a indiqué par ailleurs que les postulantes n’étaient pas laissées à elles mêmes, et qu’un accompagnement était prévu afin de les épauler dans la conception et la réalisation du montage financier du projet soumissionné : « Un accompagnement pour le montage financier du projet est prévu, pour ce faire nous nous sommes associés avec l’une des dix meilleures écoles de commerce au monde. L’objectif visé est de faire perdurer le projet et de démontrer qu’il est possible aux femmes de créer leur activité, et même de la développer au point de pouvoir embaucher ».
De son côté, Alejandra Linares-Rivas, la troisième mousquettaire de la Banque mondiale, a présenté l’opportunité de cet appui de la Banque mondiale pour réaliser un rêve de toujours, ou sortir d’une situation de salariat. Elle a en outre exposé le calendrier du concours : « Il comprend différentes phases : la phase de maturation et d’élaboration du projet durera un maximum de cinq mois, la seconde phase déterminera les quatre meilleurs dossiers, la troisième étape sélectionnera les deux meilleurs projets… Les jeux seront faits en septembre, moment où l’on connaîtra l’heureuse gagnante des 100 000 dollars élue par un comité d’experts. Les sélections se feront sur dossier et entretien individuel pour départager les deux dernières candidates en lice ».
Partant du postulat que la création d’entreprise ne s’enseigne pas mais s’apprend dans l’action, la Banque mondiale veut susciter l’envie, le désir des femmes présentes à se lancer dans le secteur privé. Les experts de la banque mondiale sont formels : bien des femmes qui parviennent à créer ne s’en croyaient pas capables jusqu’au jour où elles se sont lancées. Une grande part du processus de création dépend aussi de la ténacité et de la détermination du promoteur de projet ont-ils rappelé. Croire en soi, nourrir ses rêves et surtout persévérer coûte que coûte ont été les conseils transmis par les experts. Ce programme va permettre à l’entreprenariat féminin de bénéficier d’un dispositif d’assistance technique et coaching leur permettant de développer un modèle viable d’entreprise à travers des conseils, des formations sur l’implantation des affaires et la formation.
Dans un second temps, le quator d’experts de la Banque mondiale a précisé que ce projet pilote n’est qu’un ballon d’essai. Ils ont insisté sur le fait qu’il est vital que les femmes du Moyen-Orient et Afrique du Nord s’émancipent et prennent leur destin en main, car en 2050, plus de 220 millions de personnes, dont 75% de femmes, seront à la recherche d’un travail qu’il faudra créer. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale a pris la responsabilité d’encourager et de structurer l’entreprenariat féminin. Une exigence pour donner aux Djiboutiennes, et plus largement à toutes les femmes de la région MENA, les moyens pour jouer pleinement leurs cartes dans la dynamique de développement économique et de progrès social de leurs pays respectifs.
Les villes de Beyrouth, du Caire et de Djibouti ont été choisies pour la phase pilote de ce projet de la Banque mondiale. Dernier détail et pas des moindres, le projet d’entreprise devra nécessairement avoir une touche « résilience urbaine » afin de pouvoir passer la phase de pré-sélection condition sine qua none… L’idée du projet devra servir au plus grand nombre et profiter aux trois villes sélectionnées afin de leur permettre de mieux vivre leur urbanité…
Mahdi A.