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Coopération numérique renforcée entre les douanes
par Mahdi A., avril 2023 (Human Village 47).
 

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les difficultés passagères soient levées. Les discussions à Djibouti fin mars ont permis aux douanes djiboutiennes et éthiopiennes de partager leurs difficultés et leurs idées pour améliorer la fluidité du transit sur le corridor Djibouti-Éthiopie. Un responsable des douanes qui a assisté aux différentes réunions a affirmé que les deux parties s’étaient entendues sur l’ensemble des points à l’ordre du jour. Pour des questions techniques, qui nécessitent des approfondissements ou pour lesquelles des différents subsistent, des sous-comités ont été mis en place. Ils sont chargés de formuler des recommandations sur la manière de rendre opérationnels les nouveaux mécanismes de facilitation, comme la mise en place de la déclaration unique ou l’interconnexion des deux systèmes informatiques dont le principe est validé.
Dans le prolongement des avancées technologiques, les deux parties ont convenu d’implémenter un système électronique de suivi des cargaisons afin de mieux contrôler le mouvement des marchandises. La proposition de la douane djiboutienne d’interconnecter les deux systèmes de e-tracking a été bien accueillie, et ce d’autant plus que les programmes des deux pays sont en phase pilote avec des résultats très satisfaisants. La généralisation ne saurait tarder si l’on se fie à l’invitation éthiopienne à la douane djiboutienne de venir en Éthiopie en mai pour voir le système électronique de suivi des cargaisons en vue d’en accélérer la mise en œuvre. C’est une nouvelle étape dans le commerce interfrontalier, avec la fin annoncée des scellés mécaniques à usage unique, considérés faibles car ils ne fournissent pas d’alerte en cas de violation, et leur remplacement par des scellés électroniques. Ces derniers permettront aux douanes des deux pays de réduire la fraude et donc de mettre un frein aux déversements de marchandises le long du corridor. Ils rendront le contrôle plus effectif pour les camions dont l’entrée en Éthiopie est refusée pour des questions règlementaires, par exemple des produits dont la date de péremption est dépassée, ou des biens interdits sur le territoire éthiopien. Faute de coordination efficace entre les deux douanes, il n’était pas impossible qu’une partie de ces marchandises en transit se retrouvent frauduleusement sur le marché djiboutien, avec des risques sanitaires et des pertes fiscales pour Djibouti. Il ne fait aucun doute que la pose prochaine de scellés électroniques et la future réciprocité à l’accès au système douanier éthiopien pour les produits à l’exportation favoriseront un meilleur suivi des réexpéditions de marchandise retournées vers le fournisseur par voie maritime. Sans compter que la compétitivité de la plateforme logistique djiboutienne en sera renforcée, puisque les documents d’exportation de produits depuis l’Éthiopie, accessibles dès la saisie des informations sur la base de données éthiopienne donneraient, un temps d’avance considérable dans le traitement de la marchandise exportée.

Réticences à la dématérialisation de la documentation douanière à l’export
Ce point est central pour la douane djiboutienne, qui espère que cette nouvelle phase s’accélèrera chez son partenaire éthiopien.
Quelle avancée concrète apporterait l’accessibilité des éléments douaniers d’exportation avant le franchissement de la frontière ? Nous avons interrogé le deuxième vice-président de l’Association des transitaires djiboutien (ATD), Bogoreh Ali Meidal : « La réponse est simple. Plus tôt les documents sont en notre possession, et plus rapidement nous sommes en mesure de finaliser les opérations logistiques dans les meilleurs délais, notamment la part dont nous sommes responsables en qualité de transitaire. A l’heure actuelle pour récupérer les documents douaniers éthiopiens originaux certifiés, il nous faut attendre que le camionneur parvienne à PK 12, au niveau de l’aire de stationnement des camions marchandises, et puis que le chauffeur de la compagnie de transport éthiopien prenne attache avec notre bureau via un appel téléphonique. C’est seulement à la suite de cet appel que notre personnel se rend à sa rencontre pour récupérer les documents originaux et lancer la procédure de dédouanement. Cette méthode est, il faut bien le reconnaitre, archaïque dorénavant.

Bogoreh Ali Meidal

Si les documents étaient disponibles en format numérique à la douane djiboutienne avant que le camion ne quitte la dernière barrière douanière éthiopienne, par exemple celle de Galafi, c’est-à-dire dès que les douaniers éthiopiens ont implémenté les documents validés par leur soin dans le système, le camion de marchandises n’aurait plus besoin de stationner à PK12 le temps de la procédure de dédouanement. Il pourrait directement se rendre vers le port d’embarquement de la marchandise sans perdre de temps, et se voir remettre par nos agents gates pass et autres documents de voyage finalisés avant de franchir l’accès à la plateforme de déchargement dans l’enceinte du port. Il n’y aurait plus de perte de temps, un avantage considérable, particulièrement pour le transporteur éthiopien qui pourrait ainsi optimiser la durée de ses trajets sur le corridor.
Comme on le fait déjà pour les biens importés en multimodal depuis le système Sydonia de la douane, cette dématérialisation anticipée permettrait d’optimiser la gestion des convois et des processus de déchargement/chargement des conteneurs sur les terminaux. Chaque transitaire n’aurait plus qu’à se connecter individuellement avec son identifiant unique pour accéder à son compte. Nous n’aurions plus qu’à éditer les documents de la douane éthiopienne, à les attacher aux autres documents et réaliser notre procédure normalement. Un principe prévaut : toute marchandise qui passe par le port est soumise à la douane. Chaque marchandise doit donc être déclarée en douane et validée par celle-ci. Aussi plus tôt ces documents seront accessibles à la douane djiboutienne, plus vite nous pourrons exécuter les opérations administratives. Bien que l’on puisse déjà s’enorgueillir à Djibouti d’avoir la procédure douanière la plus simplifiée des pays de la région IGAD, on pourrait encore faire mieux, si sans plus tarder l’Éthiopie accélérait sa transformation digitale pour les produits exports.
Cela serait un bond de géant. Le service que l’on propose à notre clientèle n’en serait que meilleur. Notre objectif est que le client soit pleinement satisfait, que ses shipping instructions soient respectées, dont la plus importante, le booking sur le navire. Lorsque la marchandise n’est pas prête dans les délais prévus, il faut effectuer un nouveau booking sur un prochain navire, en fonction du lieu de destination. Cela peut prendre de 2 à 4 jours pour trouver une autre correspondance pour acheminer la cargaison, ce qui induit des frais supplémentaires, notamment auprès du transporteur éthiopien, puisqu’il arrive que le camion reste stationné à PK12 chargé de la marchandise dans une zone de stationnement sécurisée, ou dans le cas où la marchandise a été déchargée dans les plateformes portuaires, le client devra s’acquitter de frais portuaires additionnels si la date d’embarquement excède les trois jours de gratuité offerts à toutes les marchandises à l’exportation, sans compter le retard pris dans la livraison de la marchandise au client final. Bref je ne vois pas pourquoi on n’accélère pas la digitalisation du fret de marchandise à destination de l’exportation. Toutes les parties seraient gagnantes. »

La douane éthiopienne n’est pas complètement entrée dans cette dynamique de dématérialisation des flux documentaires et demeurent très prudente face aux changements technologiques. Pourtant après la période Covid la question ne devrait plus se poser, d’autant plus que nous ne sommes qu’au début de la construction de solutions déployées sur le corridor. De l’avis de tous les acteurs rencontrés, l’amélioration de la plateforme informatique de Sydonia est continue - avec la remontée des contraintes de la part de toutes les composantes de la chaine logistique -et vise à répondre aux exigences de fluidité et de rapidité de la logistique. Cet instrument est un atout majeur, mais pour améliorer la facilitation douanière, il pourrait être encore plus performant si la douane éthiopienne accélérait sa mue et faisait en sorte que toutes les parties évoluent de conserve vers plus de digitalisation et donc de fluidité dans les échanges commerciaux.

Mahdi A.

NB : Human Village a rencontré une série d’acteurs du secteur de la logistique. Nous publierons ces deux prochains mois plusieurs points de vue sur ce vaste chantier pour essayer de comprendre la mutation de l’activité en Éthiopie, ses implications sociales et économiques, nos atouts et nos handicaps pour conserver le leadership sur la desserte du fret éthiopien, et les enjeux géostratégiques avec la tentative de main-mise par DP World sur les ports orientaux de l’Afrique.

 
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